La calligraphie de l’enso (en japonais, « cercle ») symbolise, dans le bouddhisme zen, la vacuité ou la pratique et l'éveil qui sans cesse se renouvellent (dokan, « anneau de la Voie »). Ce symbole est issu du wuwei du taoïsme.
Le zen est une branche de bouddhisme mahāyāna qui insiste sur la méditation (dhyāna) à partir de la posture assise dite de zazen.
Le mot « zen » est la romanisation de la prononciation japonaise du caractère chinois 禅 ou 禅, (« méditation silencieuse ») ; prononcé chán en mandarin ; prononcé zeu en shanghaien, le mot ayant été emprunté au sanskrit, dhyāna ; en pâli, jhāna (« recueillement parfait »).
Le zen se réfère au chan chinois, influencé par le taoïsme et, plus particulièrement, à la posture de méditation de Siddhārtha Gautama lorsqu'il obtint l'éveil sous l'arbre de la Bodhi, il y a plus de 2 500 ans en Inde, ainsi qu'à son influence coréenne du son.
Origines
La légende de l'origine de la tradition zen et de la lignée de ses maîtres remonte à un sermon du Bouddha Shâkyamuni à ses disciples alors qu'ils étaient réunis sur le pic des Vautours, relaté dans le Lankavatara Sutra.
Pour tenter d'expliquer un point de son enseignement, il se contenta de cueillir silencieusement une fleur d'udumbara. Aucun des disciples n'aurait compris le message qu'il tentait de faire passer, à l'exception de Mahakashyapa, qui aurait souri au Bouddha. Celui-ci lui aurait alors dit devant l'assemblée qu'il lui avait ainsi transmis son trésor spirituel le plus précieux. C'est une préfiguration de la description du chan que l’on prêtera à Bodhidharma : « Pas d’écrit, un enseignement différent (de tous les autres), qui touche directement l’esprit pour révéler la vraie nature de Bouddha » (« 不立文本、教外别传, 直指人心,见性成佛 »).
Liste des patriarches du zen
Liste rapportée par la tradition des vingt-huit patriarches de l’école avant son arrivée en Chine et liste des sept premiers patriarches du chan chinois :
Mahakashyapa
Ananda
Shanavasa
Upagupta
Dhritaka
Micchaka
Vasumitra
Bouddhanandi
Bouddhamitra
Bhikshu Parshva
Punyayashas
Ashvagosha
Bhikshu Kapimala
Nāgārjuna
Āryadeva
Arya Rāhulata
Sanghanandi
Sanghayashas
Kumārata
Jayata
Vasubandhu
Manura
Haklenayashas
Bhikshu Simha
Vashasita
Punyamitra
Prajñātara
Bodhidharma
Bodhidharma 440?-528?
Huike 487 – 593
Sengcan ? – 606
Daoxin 580 – 651
Hongren 601 – 674
Huineng 638 – 713 (remplace en 796 Shenxiu 607?-706 de l'école du Nord
Shenhui 670? –760? (remplace en 796 Puji 651-739 de l'école du Nord)
De l'Inde à la Chine
Une représentation de Bodhidharma
Bodhidharma, vingt-huitième patriarche dans la filiation indienne, serait venu en Chine autour de 520. Les différents textes chinois qui le mentionnent ne s’accordent pas exactement sur son origine (Kanchipuram au sud de l’Inde ou Perse), ni sur sa route (arrivé par l’ouest ou par un port du sud-est). On lui prête un attachement particulier pour le Lankavatara Sutra, et la première école chan constituée est connue sous le nom d'école Lankā (楞伽宗).
Une légende attestée à partir du XI siècle au monastère de Shaolin en attribue la fondation à Bodhidharma, le faisant ainsi l’initiateur des arts martiaux d'Extrême-Orient. Néanmoins, bien qu’il existe au Kerala un type de yoga offrant une certaine similitude extérieure avec le kung-fu, des gymnastiques de type qigong semblent être mentionnées sur des textes chinois datant du V siècle av. J.-C., et les arts martiaux au mont Song ont précédé Bodhidharma, si tant est qu'il s'y rendît jamais.
Le chan en Chine
De la Chine à la Corée
Au IX siècle, le bouddhisme chan, appelé son en Corée, fut intégré au bouddhisme étatique déjà présent depuis le IV siècle. Le bouddhisme coréen pratique la prosternation, le chant, la méditation assise. Il utilise des mantras et des gong'an ou kōan (en japonais).
Le zen coréen trouva sa plus grande expression dans l'Ordre Chogye (plus de 9 000 temples de nos jours), un des plus anciens ordres monastiques bouddhiques toujours présent et très vivant de nos jours. Le nom de Chogye néanmoins ne date que du XIV siècle, et c’est à cette époque que le zen coréen adopte le nom de Chogye (en chinois, Caoxi), qui est le nom de la résidence du sixième patriarche chinois de l’école zen, Caoxi Huineng (VII siècle). L'ordre Chogye n'est que l'appellation de l'héritage monastique des neuf montagnes qui naît aux environs du IV siècle de notre ère et qui, depuis le VI siècle, s'imprégna profondément et définitivement du chan (zen) et de sa philosophie et sa spiritualité.
La Corée influença fortement tous les arts qui furent, par la suite, affiliés au zen tel qu'on le connaît et reconnaît aujourd'hui. Notamment les arts esthétiques et les arts martiaux, héritages directs d'une Chine florissante et profondément attachée à la justesse de la voie. L'ordre monastique Chogye puise ses racines dans la plus ancienne tradition zen, c'est-à-dire l'école Linji (en japonais, Rinzai) et en conserve le plus pur héritage, particulièrement dans la transmission orale d'esprit à esprit entre maîtres et disciples par le moyen des kong an (kōan en japonais). Le lignage de l'ordre Chogye d'ailleurs descend directement de Linji. Un des grands maîtres coréens, par ailleurs réformateur de celle-ci, fut le maître Chinul (1158-1210).
De la Chine au Japon
Du VI au XIII siècle, le bouddhisme zen fut importé de Chine au Japon, par vagues successives. C'est au XIII siècle que le moine Dōgen (道元, Dōgen) importa le zen Sōtō (曹洞, Sōtō, en mandarin Caodong), et le moine Eisai (栄西, Eisai, parfois appelé Yōsai) le zen Rinzai (临済, Rinzai, Linji en mandarin) en 1191. Ces deux écoles, comme en Chine à partir des Song, constituent encore aujourd'hui, avec l'école obaku, le paysage du zen japonais. C'est le zen Rinzai qui va cependant s'imposer, du moins politiquement dans un premier temps, avec la mise en place du système dit des Cinq Montagnes, où « Cinq grands temples » (五山, Gozan) chapeautent tous les autres. En fait, il y aura dix temples, cinq à Kyōto et cinq à Kamakura, qui varieront au fil du temps.
Le courant zen et la pratique du zazen (méditation assise pratiquée pour atteindre l'éveil) eurent beaucoup de succès au Japon et s'accompagnèrent du développement par les moines de plusieurs arts et techniques, soit directement importés de Chine, soit créés localement en intégrant des éléments du nord de la Chine et de la Corée. On peut citer comme exemple l'usage du thé ou l'esthétique simple et dépouillée. Le zen japonais est aussi fortement influencé par le taoïsme, dont on retrouve certains symboles et notions.
Le zen a aussi fortement influencé les samouraïs.
Filiation chinoise (chan) des écoles japonaises :
Sōtō se rattache à Caodong (曹洞宗) fondé par Dongshan Liangjie (洞山良价 Tōzan Ryōkai en japonais, ? - 869).
Rinzai se rattache à la lignée de zhishen (智诜 ?-702), deuxième disciple de Huineng selon la monographie de l'école Lankâ (楞伽人法志), par l'intermédiaire de Mazu Daoyi (马祖道一 ?-788), Baizhang Huaihai (百丈怀海, Hyakujo Ekai, en japonais, 720-814), Huangbo Xiyun (黄檗希运, Obaku Kiun, en japonais) et Linji Yixuan (临济义玄, Rinzai Gigen en japonais, ?-866).
Beaucoup plus tard, Ōbaku, fondé par Yinyuan Longqi (隐元隆琦, Ingen Ryūki en japonais, 1592-1613), fera également remonter sa lignée à Huangbo Xiyun (黄檗希运, Obaku Kiun, en japonais), maître de Rinzai.
Ummon se réclame de Yunmen Wenyan (云门文偃, Ummon Daishi en japonais, 8**? - 789).
Approche
L'approche du zen consiste à vivre dans le présent, dans l'« ici et maintenant », sans espoir ni crainte.
On peut dire approximativement que le zen Sōtō insiste sur la pratique de zazen (de za assis et zen méditation) et de shikantaza (seulement s'asseoir) alors que le zen Rinzai fait une large place aux kōan, apories, paradoxes à visée pédagogique dont la compréhension intellectuelle est impossible mais relève de l'intuition.
Zazen peut permettre de parvenir à l'éveil (satori) : la pratique elle-même est réalisation; pratique et éveil sont comme la paume et le dos de la main. Il suffit de s’asseoir immobile et silencieux pour s’harmoniser avec l’illumination du Bouddha. Néanmoins, selon le bouddhisme zen, même l'éveil ne saurait être un but en soi. Zazen doit être sans but, il aide à la connaissance de soi même et à la découverte de sa vraie nature.
Les kōan (école Rinzai) sont des propositions le plus souvent absurdes ou paradoxales que pose le maître et que le disciple doit dissoudre (plutôt que résoudre) dans la vacuité du non-sens et, par suite, noyer son moi dans une absence de tensions et de volonté, que l'on peut comparer à la surface parfaitement lisse d'un lac reflétant le monde comme un miroir.
Comme toutes les versions sinisées du bouddhisme, le zen appartient à l'ensemble mahāyāna, qui affirme que chacun possède en soi ce qu'il faut pour atteindre l'illumination. Certaines écoles (Tiantai, Huayan) considèrent que chacun et toute chose possèdent de la « Nature de Bouddha ». La position zen, plus proche du courant philosophique du yogācāra, considère selon certains que la seule réalité de l'univers est celle de la conscience ; il n'y a donc rien d'autre à découvrir que la vraie nature de sa propre conscience unifiée.
Textes
Malgré la définition du chan comme « sans écrit » (en mandarin buliwenzi 不立文本) attribuée à Bodhidharma, des soutras ont inspiré une partie de son enseignement : le Sûtra du Lankā lui-même insiste sur la nécessité des écritures d'une part, et sur la nécessité d'autre part de ne pas leur accorder de valeur absolue ; certains maîtres ont laissé des écrits, des disciples ont rassemblé l'enseignement de leurs maîtres dans des recueils.
Parmi les soutras, on peut citer en premier lieu le Lankavatara Sutra rattaché à l'école yogācāra, qui a grandement contribué à la philosophie idéaliste du zen, qui voit en la conscience l'unique réalité. La tradition en fait le texte de référence de Bodhidharma ; plus récemment, D.T. Suzuki l'a abondamment commenté. Les sutras de « perfection de la sagesse » que sont le Sūtra du Diamant et le Sūtra du Cœur sont également importants, ainsi que le Shurangama Sutra particulièrement apprécié des courants syncrétistes, et le Samantamukha Parivarta, un chapitre du Sūtra du Lotus.
Parmi les textes écrits en Chine pendant les premiers siècles du chan, mentionnons le Sūtra de l’Estrade attribué à Huineng, sixième patriarche, ainsi que deux recueils de kōan, le Recueil de la falaise bleue (碧岩录, en mandarin, Biyan lu ; en japonais, Hekiganroku), composé au XII siècle, et La Barrière sans porte, composé au début du XIII siècle.