Le processus de sédimentation est d'abord une loi physique, liée à la pesanteur. Des phénomènes biologiques peuvent l'accélérer ou le réduire, intervenant notamment dans les cycles écologiques et biogéochimiques
La sédimentation dépend du contexte géomorphologique, climatique, écologique et de la vitesse de l'eau.
Une faune spécifique aux sédiments contribue à leur nature, à leur mobilité et à la biodisponibilité des éléments qu'ils contiennent ; particules, nutriments, ou polluants. Les vers Polychaete typiques des vases des estuaires y contribuent, mais ils contribuent aussi a aérer les sédiments
Les polluants peuvent être accumulés dans la chaîne alimentaire et quitter le sédiment pour recontaminer d'autres compartiments de l'écosystème, via la bioturbation.
Barrage construit pour bloquer les sédiments issus de l'explosion du volcan Mt St Helens sur la rivière Toutle (État de Washington, États-Unis).
Les matériaux se déposent différentiellement selon leur poids, caractéristique utilisée par les chercheurs d'or pour prospecter les sédiments, où ils trouvent généralement plus de billes de plomb de chasse que d'or
Sédiments remodelés par des travaux sur berges, par les courants et contrecourants générés par les éclusées et par les remous des hélices de péniches (aval de la Haute-Deûle canalisée
La sédimentation est à l'origine des roches sédimentaires, dont par exemple la craie et le pétrole qui jouent un rôle majeur dans le cycle du carbone.
Un sédiment est un ensemble de particules en suspension dans l'eau, l'atmosphère ou la glace et qui a fini par se déposer sous l'effet de la gravité, souvent en couches ou strates successives. Un sédiment est caractérisé par sa nature (composition physicochimique), son origine, sa granulométrie, les espèces qu'il contient et son éventuelle toxicité... La consolidation des sédiments est à l'origine de la formation des couches sédimentaires rocheuses.
Enjeux
Les sédiments constituent en tant qu'écotone roche-mère/eau un habitat colonisé par des espèces spécifiques (fouisseuses) qui y jouent un rôle majeur (épuration, aération, fermentation, bioturbation). Cette écotone possède un rôle de puits de carbone. Quand il est fin et riche en matière organique il consomme de l'oxygène et devient anoxique. Il peut néanmoins être aérée par des vers ou animaux fouisseurs. Le sédiment, autrefois parfois utilisé comme engrais ou amendement (le limon fertile du Nil…) abrite parfois des espèces pathogènes (souvent anaérobies), et aujourd'hui des polluants plus ou moins toxiques et persistants , pas ou peu ou lentement biodégradables selon les cas, éventuellement radioactifs ou mutagènes ou génotoxiques. Il participe néanmoins aussi à la qualité de l'eau des nappes phréatiques en jouant un rôle de tampon ou de « filtre » « grâce auquel une partie des éléments polluants des rivières reste fixée dans les sédiments » (dont une partie peut toutefois être emportée vers la mer ou d'autres parties du bassin-versant lors des grandes crues). Des enjeux écoépidémiologiques et de santé environnementale sont posés par la contamination de la faune qui vit dans les sédiments ou par la remise en suspension de sédiments contaminés, y compris par des polluants actifs à très faibles doses comme les perturbateurs endocriniens. Ces polluants compliquent la gestion de certains sédiments qui peuvent accumuler des polluants physiques, organiques ou organométalliques plus ou moins dégradables, des métaux toxiques non dégradables et des radionucléides artificiels et/ou naturels, jusque dans les lacs d'altitude qui recueillent les polluants aéroportés et déposés via les neiges, les pluies et les dépôts secs. Depuis le début de la période industrielle, l'acidification des eaux météoritique et de certains lacs et cours d'eau a aussi modifié la composition des sédiments [dès les lacs de montagne, y augmentant les teneurs en certains éléments tels que le Manganèse (Mn), le zinc (Zn), le plomb (Pb) et le potassium (K), et en diminuant leur teneur en magnésium (Mg)]
La sédimentation dans les ports pose problème depuis que les ports existent. Avec l'aggravation de l'érosion des sols labourés et cultivés ou désertifiés et salinisés, les sédiments encombrent les ports fluviaux et estuariens ou maritimes. Leur gestion coûte de plus en plus cher aux autorités portuaires et aux gestionnaires des canaux, ainsi que pour les collectivités riveraines de cours d'eau. Un des enjeux pour celles-ci est d'améliorer leur gestion par des voies de valorisation .
Origine et types de sédiments
Des particules physiques, des êtres vivants et leurs excrêtats sédimentent en permanence dans les eaux douces, saumâtres et salées, ou se déposent dans les glaciers. Elles peuvent être remobilisées et transportées ailleurs.
La sédimentation d'origine (éolienne) augmente avec l'aridification et la désertification. Les sédiments transportés par le vent, sont des minéraux issus de l'érosion des sols et des roches, des volcans, des embruns, des incendies.
Les périodes de crue des rivières et des fleuves entraînent une plus grande quantité de sédiments, car les débits, plus forts, ont une plus importante force érosive et une plus grande énergie de transport. La baisse subséquente des niveaux d'eau crée souvent de vastes étendues de sol nouveau sur les plaines inondables. La disparition ou la régression des embâcles naturels, des castors et de leurs barrages peuvent modifier les paramètres érosifs d'un bassin versant et la sédimentation en aval, de même que la canalisation d'un fleuve ou d'une rivière, ou la construction de barrages artificiels qui emprisonnent dans leurs réservoirs d'importantes quantités de sédiments et parfois de polluants.
L'érosion des sols dégradés par l'agriculture et le lessivage des sols urbains sont une source croissante de sédiments dans les canaux. À titre d'exemple, dans le réseau Nord/Pas de Calais, VNF estimait en 2007 que l'érosion des bassins versants était responsable de l'apport de 143 000 tonnes de sédiments par an (à raison de 100 mg·L dans les eaux de ruissellement urbain, de de 0,18 t/ha pour les eaux de ruissellement agricole, les apports en sédiments étant nuls ou négligeables dans les zones boisées ou prairiales, qui au contraire captent une grande partie des particules en suspension de l'eau qui réapparait limpide en aval dans les sources. Ces sédiments (souvent pollués) doivent être coûteusement curés et stockés dans des terrains de dépôt. Dans cette seule région, et rien que pour les canaux, VNF a identifié (chiffres 2007) 5.346 ouvrages de rejets directs. Selon la DRIRE, les industriels de cette région suivis par la DRIRE rejetaient dans les cours d'eau environ 4,300 t/an . Le volume des sédiments que VNF prévoit devoir extraire entre 2007 et 2027 est d'environ 8,5 millions de m3, venant à 80 % du réseau magistral (grands et principaux canaux).
Les dunes et le lœss sont des résultats d'un transport sédimentaire éolien.
Les moraines et tills sont des dépôts de sédiments ayant été transportés par la glace. Les effondrements gravitaires créent aussi des sédiments comme les talus et les glissements ainsi que les éléments de karstologie.
Les lacs, deltas, mers et océans accumulent des sédiments pendant de longues périodes (transgression marine). Le matériau peut être terrigène (venant des terres) ou marin (dont l'origine est marine). Les sédiments déposés sont la source de roches sédimentaires qui peuvent contenir des fossiles des habitants de ce volume d'eau jadis recouvert par les couches de sédiments. Leur carottage permet de connaître l'évolution du climat.
Transport de sédiments
Cours d'eau
Lorsqu'un fluide comme l'eau coule, il peut se charger de particules en suspension. En milieu calme, la vitesse verticale de sédimentation est la vitesse maximale, ou limite, de chute d'une particule. Elle est donnée par la loi de Stokes :
-
où w est la vitesse limite verticale de sédimentation, ρ est la masse volumique (les indices p et f indiquent respectivement particule et fluide), g est l'accélération due à la gravité, r est le rayon de la particule et μ est la viscosité dynamique du fluide.
Si la vitesse de l'écoulement est plus grande que celle de dépôt, le granulat continue vers l'aval. Comme il y a toujours des diamètres différents dans le flot, les plus gros se déposent (décantation) tout en pouvant continuer à descendre par des mécanismes comme la saltation (collisions particules-paroi, par roulement ou glissement, dont les traces sont souvent conservées dans les rochers solides) et peuvent être utilisées pour estimer la vitesse du courant.
Dans les cours d'eau à pente plus importante, des sédiments plus grossiers peuvent être transportés. En montagne, le diamètre de plus grosses particules rocheuses transportées peut atteindre plusieurs dizaines de centimètres. Lorsque ce transport de sédiments survient lors d'une crue, on assiste à un événement de charriage.
Sédiments pollués
En aval des zones habitées, cultivées et/ou industrialisées, les sédiments des fleuves, des canaux, des gares d'eau, des estuaires et des littoraux ainsi que de certains lacs sont souvent très pollués. La pollution peut être ancienne (issue de mines médiévales ou antiques de métaux par exemple) et/ou récentes. On parle parfois de « pollution de stock », qui peut (re)devenir une « pollution de flux » en période de crue, ou à la suite d'une méandrisation du cours d'eau ou à la suite de travaux contribuant directement ou indirectement (modification des courants) à leur remise en suspension. Des sédiments peuvent aussi avoir été pollués directement par le rejet volontaire ou involontaire de déchets, et notamment en mer Baltique et sur le littoral français ou dans certains lacs par l'immersion volontaire de munitions, d'explosifs et de déchets divers. Le long des canaux, des dépôts de boues de curages peuvent parfois constituer des points de relarguage de pollution.
Des valeurs guides ont été établies pour permettre une gestion plus sécurisée des sédiments pollués.
Lits fluviaux
N'importe quelle particule dont le diamètre est approximativement plus grand que 0,7 mm formera des composants topographiques visibles et sculptés dans le lit du cours d'eau.
Environnements dépositaires principaux
Les principaux environnements dépositaires sont :
Delta
terrasse alluviale
éventail alluvial
méandres et rivière en tresses
lac de bras mort
levée
bassin sédimentaire
Côtes et mers peu profondes
Le second environnement principal où le sédiment peut être en suspension dans un fluide est dans les mers et océans. Il peut venir des cours d'eau comme précédemment. Au milieu de l'océan, ce sont les organismes vivants qui sont principalement responsables de l'accumulation de sédiments, car leur coquille coule sur le fond de l'océan après leur mort et s'y fossilise. Ils forment des couches de calcaires et, par fermentation anaérobie, les hydrates de méthane. Enfouis durant des millions d'années, ces sédiments organiques sont graduellement transformés en combustibles fossiles tels que le gaz naturel ou le pétrole, selon la durée d'enfouissement et l'environnement des couches organiques.
Formes du lit marin
Le forme du lit marin est influencée par la marée.
Les contre-écoulements
La chute de particules dans un liquide provoque des contre-écoulements opposés à leur descente. Ces contre-écoulements ont pour effet de ralentir la descente des particules situées au-dessus et ralentissent la sédimentation.
Pour mettre en évidence ce phénomène, une expérience de sédimentation dans un tube peut facilement être réalisée (voir l'effet Boycott).
En France
Ce sont environ en moyenne 6 000 000 m de sédiments (dont environ 1 600 000 m provenant des canaux domaniaux, de gares d'eau ou de rivières domaniales) qui sont extraits, essentiellement directement dans les 525 000 km de cours d’eau (dont un peu plus de 7 000 kilomètres domaniaux) lors de leur entretien courant. Ces sédiments sont presque toujours pollués.
Les sédiments portuaires, parmi les plus pollués sont suivis par un réseau dédié. Ces données sont entrées depuis 2009 dans la Base de données Quadrige et depuis 2014 sous l'égide de direction technique eau, mer et fleuves du Cerema.
Le grenelle de la mer et les sédiments
Le ComOp « sédiments » dans son rapport rendu en juin 2010 note que la loi peut limiter l’immersion de sédiments très toxiques, mais non l'interdire tout à fait « puisque des immersions de sédiments dépassant les teneurs-seuils restent possibles s’il s’agit de la solution la moins pénalisante pour l’environnement » (principe de la Convention de Londres). Il a conclu que si le dragage n'engendrait pas en soi une contamination des sédiments, il induit néanmoins « une remobilisation de particules polluées par des flux provenant du bassin-versant ». Il faut donc « agir en amont pour éviter les flux polluants à la source en appliquant le principe « pollueur-payeur» sur l’ensemble des activités contribuant à la pollution des sédiments, et d’inciter aux bonnes pratiques en matière de dragage et d’immersion » .
Le ComOp demande:
un « protocole » officiel « d’évaluation de la dangerosité des sédiments (dont pour leur gestion à terre), « après analyse des tests de validation actuellement en cours ».
Des bilans scientifiques précédant toute évolution réglementaire. Un 1 bilan réglementaire (MEEDDM) est souhaité avant mi 2011, de la « réglementation existante et de son application, en France et dans les États membres concernés par cette problématique, notamment pour les sites d’immersion, la gestion à terre des sédiments, le suivi de substances non réglementées (mais que la directive cadre sur l’eau demande de prendre en compte), les éventuelles mesures compensatoires aux impacts des opérations de dragage/immersion, et les pratiques éventuelles de mélanges de sédiments de dragage ».
Les sites d’immersion devraient être mieux suivis,
Il faut prendre en compte des substances non encore réglementées, en cohérence avec la directive cadre sur l’eau et la directive cadre stratégique pour le milieu marin, surtout dans les zones les plus sensibles. Des produits tels que les HAP notamment pourraient déjà faire l’objet de fixation de seuils (rem : cette recommandation n'a pas fait l’objet d’un consensus au sein du groupe de travail)
Il faut mieux traiter (dont par inertage…) et valoriser à terre des sédiments, ce qui implique de mieux les caractériser ( des guides d’application sont aussi nécessaires)
Il faut à la fois réfléchir aux limites de l'immersion et au développement de filières d’élimination des sédiments non immergeables.
Actualiser avant fin 2011 les circulaires d’application sur les dragages en coordonnant mieux les polices de l’eau et ICPE pour l’instruction des dossiers (dragage et gestion à terre des sédiments), en intégrant la nouvelle nomenclature des ICPE sur les déchets (décret du 13 avril 2010), en évaluant scientifiquement la dangerosité des sédiments à terre, en suivant mieux les opérations à risque (ex : « pollutions historiques et sites particulièrement sensibles »). Les préfets peuvent déjà – via leurs arrêtés - renforcer le suivi des sites d’immersion, « « en précisant les objectifs de ce suivi, modalités de mise en œuvre et d’interprétation des autorisations »…).
Le ComOp souhaite enfin une procédure d’autorisation (instruction + enquête publique) « unique et globale » pour les demandes d’autorisation de dragage d'immersion et/ou de gestion à terre des sédiments, avec clarification des procédures et responsabilités concernant la gestion des macro-déchets émergés à l’occasion d’opérations de dragage.
Il faut mieux comprendre et prendre en compte les flux de polluants lors du dragage et des immersions, et élaborer des « indices globaux intégrateurs d'un niveau de pollution des sédiments », en associant les hercheurs et parties prenantes, dans l’esprit du Grenelle de l’environnement ».
Des guides méthodologiques et/ou de recommandations sont à publier (dont en ligne) pour :
le suivi et la gestion des sites d’immersion en mer, sur la base de règles d’interprétation du suivi, et éventuellement des seuils et méthodes de suivi innovantes (GEODE, 2011) ;
l’étude des impacts dans le cadre préalables aux autorisation de dragage et immersion en mer (GEODE, finalisation du guide pour 2012) ;
l’évaluation des pressions et impacts des dragages, avec analyses comparatives des impacts sanitaires et environnementaux selon le mode de gestion des sédiments, pour 2012 dans le cadre de la mise en œuvre de la DCSMM) ;
les sédimatériaux (valorisation des sédiments en techniques routières, travaux maritimes et d’aménagements (MEEDDM, 2011).
Soutenir l'expérimentation pour développer les filières de valorisation des sédiments et en tirer les enseignements, avec des aides du MEEDDM et de ses établissements publics, en structurant et fédérant les projets de valorisation en cours.
Promouvoir les bonnes pratiques, les labels, cahier des charges, guides techniques et les connaissances acquises et les retours d’expériences en renforçant la communication (animation, échanges d’expériences entre État, ports, établissement scientifiques et techniques et associations de protection de l’environnement, avec un rapport public annuel et des bilans pluriannuels, journée annuelle d’échanges et de restitution sur les dragages et immersions et les sédimatériaux…
Mieux associer les acteurs au groupe technique, et sensibiliser les usagers (dont ports) à l’importance de réduire les volumes de macro-déchets rejetés en mer.
Chaire industrielle de recherche sur les sédiments
Acteur dans des projets nationaux de valorisation des sédiments dragués dans l’activité des travaux publics routiers, l'école d'ingénieur Mines Douai a créé en avril 2014 une chaire industrielle sur la valorisation des sédiments, en partenariat avec des acteurs industriels, portuaires et bureaux d'ingénierie . L'objectif de cette chaire, baptisée ECOSED pour ECOnomie circulaire des SEDiments, est de créer une dynamique scientifique, technologique et partenariale autour de la gestion des sédiments portuaires et fluviaux en vue de les recycler en technique routière ou en produits en béton .