Arlequin vu par Maurice Sand, 1860.
Arlequin, personnage de la commedia dell'arte.
Arlequin, Arlecchino en italien, est un personnage type de la commedia dell'arte qui est apparu au XVI siècle en Italie, dont le costume est fait de losanges multicolores. Ceux-ci représenteraient les multiples facettes d'Arlequin, ainsi que sa pauvreté .
Origines
Robe rapiécée de saint François d'Assise. Ayant argumenté que l'Arlequin soit dans sa forme un personnage d'influence soufie, spécialement d'après le port de la robe rapiécée des maîtres derviches du XI siècle, Idries Shah a également consacré un chapitre de son ouvrage de référence à l'influence soufie sur Saint François d'Assise, dont la robe rapiécée est pour lui un des nombreux exemples. (Shah, I. The Sufis The Octagon Press:1999 p. 228 et suivantes).
Origines lointaines
Elles relèveraient des « sannions » ou « bouffons » qui jouaient les fables atellanes, ainsi nommées de la ville d'Atella, d'où ils étaient venus, vers les premiers temps de la République romaine, pour ranimer les Romains découragés par une peste affreuse.
Cicéron, émerveillé de leur jeu, s'écrie : « Quid enim potest esse tam ridiculum quam sannio est ? Sed ore, vultu, [imitandis moribus,] voce, denique corpore ridetur ipso » (de Oratore, lib. II, cap. **). Le costume de ces mimes, tout à fait étranger aux habitudes grecques et romaines, se composait d'un pantalon (et non d'une toge) de diverses couleurs, avec une veste à manches, pareillement bigarrée, qu'Apulée, dans son Apologie, désigne par le nom de centunculus, habit de cent pièces cousues ensemble. Ils avaient la tête rasée, dit Vossius, et le visage barbouillé de noir de fumée : Rasis capitibus et fuligine faciem obducti. Tous ces traits caractéristiques se trouvent dans des portraits peints sur des vases antiques sortis des fouilles d'Herculanum et de Pompéi ; et l'on peut en conclure que jamais descendant de noble race n'a offert une ressemblance de famille aussi frappante que celle qui existe entre Arlequin et ses aïeux.
Quant à la personnalité d'Arlequin, elle fut sans doute empruntée aux personnages d'esclaves des comédies latines (celles de Plaute et Térence, eux-mêmes très inspirés par les spectacles comiques latins pré-classiques), au caractère souvent très proche (goinfres, poltrons, fanfarons, paresseux, lascifs…), aucune trace textuelle d'atellane n'ayant subsisté après l'Empire Romain.
Étymologie
Si l'Arlequin s'est développé dans la Commedia dell'arte en Occident, Idries Shah a argumenté que ses origines seraient avant tout soufies. Les maîtres soufis classiques étaient en effet connus pour porter une robe rapiécée cousue à partir d'étoffes de différentes couleurs dès le XI siècle. Shah écrit que le mot arlequin serait issu de l'arabe aghlaq — le nom alors donné à ces maîtres qui enseignaient par l'humour et la dérision — dont le pluriel est aghlaquin, prononcé gutturalement comme la jota espagnole soit , qui aurait donné le nom arlequin. Shah défend cependant que l'enseignement de la sagesse par l'humour, un des traits du personnage d'Arlequin, est une constante de la sagesse universelle. Quant à cette étymologie, elle n'est soutenue par aucuns travaux de philologie.
La plupart des sources indiquent que le mot italien Arlecchino, d'où est issue la forme du français moderne Arlequin, est lui-même un emprunt au français. En ancien français, la mesniee Hellequin « suite, escorte de Hellequin » est mentionnée dès le XI siècle, puis sous différentes formes Halequin « génie malfaisant » au XIII siècle. Harlequin est un nom de personne dans les archives de Dijon en 1324. Harlequin au XVI siècle s'applique à un personnage de théâtre, mot repris par l'italien sous la forme Arlecchino qui n'apparait pas dans cette langue avant la Renaissance, bien qu'un personnage nommé Alichino soit mentionné par Dante dès le XIII - XIV siècle. Le moine anglo-normand Orderic Vital désigne le cortège sauvage par l'expression familia Herlechini au XII siècle, nom qui proviendrait de celui du roi de la mythologie germanique *Her(e)la cyning (non attesté), traduit par Herla rex en latin, moyen anglais *Herle king (non attesté), auquel correspond le vieux haut allemand Herilo (nom du roi Herilo) qui remonte à un plus ancien *χarila(n) « chef de l'armée » qui serait une appellation du dieu Wotan. Au contraire, Maurice Delbouille suggère que le choix du nom de Herla, peut-être création individuelle et arbitraire, a pu être déterminé par l'existence de la famille d'anthroponymes et de mots à radical herl-, tels Herlwin > Herluin; Herleva > Arlette, impliquant les notions de « tapage » et de « vagabondage » (ancien français harele « tumulte », herler « faire du tapage », herle « tumulte, tocsin »). Dans cette perspective, l'élément -quin pourrait être semblable à celui attesté dans des anthroponymes anglo-scandinaves ou anglo-saxons que l'on rencontre dans la toponymie normande, dont Hennequeville (Calvados, Heldechin villa[m] 1025 ? et Heldechinville en 1057 - 1066); Sorquainville (Seine-Maritime, Soartichin villa 1032 - 1035) ou Harcanville (Seine-Maritime, Harkenvilla XII siècle), dont l'élément *kin représente l'ancien scandinave kyn « kinship, clan, dynastie » et le vieil anglais cyne « royal », cyn(n) « famille, race, classe (sociale), genre » devenu kin en anglais moderne.
Sur scène
Le personnage d'Arlequin n'a pas été créé par l'acteur italien Domenico Biancolelli. On en trouve la trace en Italie dès le XVI siècle. En France, les comédiens du duc de Mantoue, parmi lesquels un acteur se fait appeler Arlequin, sont invités par la reine Marie de Médicis dès 1606, mais ils se font prier et ne se rendent en France qu'en 1608. Arlequin n'est pas au rendez-vous, immobilisé dit-on, par une maladie.
Employé dans beaucoup de pièces de commedia dell'arte, il est un personnage indispensable à celle-ci. Sa fonction est celle d'un valet comique. Il est connu pour sa bouffonnerie. Contrairement à Brighella, il fait preuve de peu d'intelligence, il est bête, famélique, crédule et paresseux. Il est toujours en quête de nourriture et pour en trouver, il est capable d'inventer toutes sortes de stratagèmes, pirouettes ou acrobaties, mais le reste du temps, il cherche avant tout à dormir et éviter le moindre effort. Il était souvent représenté une bouteille à la main, ce qui signifiait que le spectateur ne devait pas tenir compte de ses paroles.
Arlequin joue le rôle de l'humble serviteur, comme dans Arlequin, serviteur de deux maîtres, de Carlo Goldoni. Il peut aussi être l'amoureux de Colombine et par conséquent un rival de Pierrot. Il apparaît en France à l'époque de Molière, où ses caractéristiques évoluent. Il devient ainsi dans les pièces de Marivaux, comme dans l'Île des esclaves, un valet en apparence naïf et sensible, mais qui laisse entendre l'intelligence et la ruse d'une soumission feinte. La dramaturgie de Marivaux développe, par l'intérêt porté au langage (et à ce qui lui est corollaire), le caractère du personnage Arlequin.
Dans la rue
De tous temps, aux carnavals et aux charivaris, sera associée la diabolique figure de « Hellequin », allitération de « Helleking » (roi de l'Enfer).
L'Arlequin est encore un personnage du Carnaval de Binche et du Carnaval de Malmedy en Belgique.
Œuvres où figure Arlequin
Compositions rhétoriques de M. Don Arlequin (1572), peut-être par la troupe des Gelosi
La Descente d'Arlequin aux enfers (1689) de Regnard
Arlequin homme à bonne fortune (1690) de Regnard
Arlequin serviteur de deux maîtres (1753) de Goldoni
Les Amants timides de Goldoni
Pagliacci de Leoncavallo
Arlequin-Diogène de Louis Antoine de Saint-Just
Arlecchino de Ferruccio Busoni
Fêtes Galantes de Verlaine
Sept contes de Michel Tournier
"La chanson du mal aimé" de Guillaume Apollinaire
Pierrot, Colombine et Arlequin de Pierre Chaffard-Luçon
Nombreux tableaux de Picasso
Chez Marivaux :
Arlequin poli par l'amour (1720) (texte sur Wikisource)
La Surprise de l'amour (1722) (texte sur Wikisource)
La Double Inconstance (1723) (texte sur Wikisource)
La Fausse Suivante (1724) (texte sur Wikisource)
Le Prince travesti (1724) (texte sur Wikisource)
L'Île des esclaves (1725) (texte sur Wikisource)
La Seconde Surprise de l'amour (1727) (texte sur Wikisource)
Le Jeu de l'amour et du hasard (1730) (texte sur Wikisource)
Les Fausses Confidences (1737) (texte sur Wikisource)
Arlequin Mercure galant de Fatouville.
Ballets :
Les Millions d'Arlequin (Petipa et Drigo)
Dans la commedia dell'arte (ou auteur inconnu) :
Arlequin chevalier du soleil, de Fatouville
Arlequin empereur dans la lune, de Fatouville
Arlequin Jason ou la toison d'or comique, de Fatouville
Arlequin lingère du palais, de Fatouville
Arlequin Mercure galant, de Fatouville
Arlequin Protée, de Fatouville
Les Deux Arlequins
Arlequin Phaéton
Arlequin défenseur du beau sexe
Arlequin misanthrope
L'Arlequinade
Les Aventures d'Arlequin
Le Désespoir d'Arlequin
Bibliographie
Maurice Sand, Masques et bouffons (comédie italienne), Paris, Michel Lévy frères, 1860
François Moureau, De Gherardi à Watteau : présence d'Arlequin sous Louis XIV , Paris, Klincksieck, 1992
Karin Ueltschi, La Mesnie Hellequin en conte et en rime. Mémoire mythique et poétique de la recomposition,
Paris, Champion, « Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge », 2008.
Articles connexes
Habit d’arlequin sur le wiktionnaire
Maison d'Arlequin