Le syndrome d'Asperger (prononcé /aspɛʁgəʁ/) est un trouble du spectre autistique ou trouble envahissant du développement qui se caractérise, comme les autres formes d'autisme, par des difficultés significatives dans les interactions sociales, associées à des intérêts restreints et/ou des comportements répétitifs. Il n'y a pas de retard dans l’apparition du langage ni de déficit intellectuel. Bien qu'elles ne soient pas retenues pour le diagnostic, une maladresse physique et une utilisation atypique du langage sont souvent rapportées.
Ce syndrome a été nommé d'après les travaux du pédiatre autrichien Hans Asperger, en 1944. Ces travaux ne sont révélés qu'en 1981 par la psychiatre britannique Lorna Wing, puis traduits en anglais par la psychologue allemande Uta Frith en 1991. Ils connaissent depuis une médiatisation importante.
La cause ou les causes exactes du syndrome d'Asperger restent inconnues. Comme pour les autres troubles du spectre autistique, des composantes génétiques sont suggérées. Les recherches neurologiques ont révélé des particularités dans le fonctionnement cérébral, à l'origine de déficits sélectifs de l'empathie. Lorsque le diagnostic est établi, une prise en charge pluridisciplinaire peut être proposée. L'efficacité de certaines interventions est difficile à estimer car les données sont limitées. Les thérapies comportementales se concentrent sur des déficits spécifiques : capacités de communication faibles, routines obsessionnelles et répétées, maladresse physique. La plupart des enfants s'améliorent quand ils deviennent adultes, mais les difficultés sociales et de communication persistent. De plus, les personnes Asperger sont vulnérables à de nombreux troubles de l'humeur, particulièrement à l'anxiété et à la dépression. En 2013, environ 31 millions de personnes dans le monde auraient ce syndrome.
Certains chercheurs comme Simon Baron-Cohen, et des personnes Asperger, ont posé la question de savoir si le syndrome doit être considéré comme une différence plutôt que comme un handicap qu'il faudrait traiter ou guérir. Les limitations handicapantes, socialement en particulier, sont associées à une singularité qui se révèle parfois une compétence exceptionnelle. La fascination pour ce syndrome se traduit par de nombreuses représentations dans la culture populaire.
Identification et classification
Le DSM-5 (dans lequel le syndrome d'Asperger a disparu en tant que trouble à part) avec son prédécesseur, le DSM-IV-TR, version française.
L'ensemble des troubles liés à l'autisme reste difficile à définir. Leur classification fait souvent l'objet de débats multidisciplinaires. Le syndrome d'Asperger (SA) , est généralement reconnu comme faisant partie des troubles du spectre autistique (TSA), un ensemble de troubles neuro-développementaux présentant des caractéristiques proches et difficilement dissociables (d'où l'utilisation du terme « spectre autistique »). Sont distingués au sein de ce spectre, sous le qualificatif de « trouble envahissant du développement », l'autisme infantile, le syndrome d'Asperger et l'autisme atypique. Ils sont caractérisés par des troubles de la communication et des interactions sociales qui perturbent le développement de l'individu. Ils sont accompagnés de comportements et de centres d'intérêt restreints et/ou de comportements répétitifs. De nombreux points communs existent entre l'autisme sévère et le syndrome d'Asperger, qui sont considérés comme étant situés aux deux extrêmes de ce spectre. L'autisme « typique » (autisme infantile, dit « autisme de Kanner ») se distingue du syndrome d'Asperger essentiellement par le retard dans l'apparition du langage. Par ailleurs, il peut y avoir un retard intellectuel dans l'autisme typique, alors qu'il n'y en a pas dans le syndrome d'Asperger. Parmi les troubles envahissants du développement (TED), l'autisme infantile et le syndrome d'Asperger réunissent les caractéristiques classiques de la triade autistique : communication, interaction sociale, comportements répétitifs ou intérêts restreints. Le syndrome de Rett et le trouble désintégratif de l'enfance, plus rares, partagent ces points communs avec l'autisme mais ont des causes spécifiques ou des évolutions différentes. Un diagnostic du trouble envahissant du développement non spécifié peut-être posé si un des critères des TED n'est pas rempli.
Plusieurs questions restent en suspens sur l'identification et la classification du syndrome d'Asperger. Il n'est pas toujours considéré comme une entité distincte, ce qui pose la question de son existence même, notamment en raison du doute sur la nécessité de le distinguer de l'autisme de haut niveau (high functionning autism). La psychanalyste Maria Rhode rappelle que la distinction entre Asperger et l'autisme est récente. Pour elle, chaque personne avec Asperger est unique et l'Asperger pourrait constituer un spectre autistique à lui tout seul. La Classification internationale des maladies (CIM-10) publiée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1993 s'interroge sur la validité nosologique de ce syndrome. La 4 édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) fait figurer le syndrome d'Asperger au sein des troubles envahissants du développement. La dernière édition (DSM-5), publiée en 2013, élimine le diagnostic du syndrome d'Asperger pour l'intégrer au sein d'un nouveau diagnostic de trouble du spectre autistique, et attribue une échelle de sévérité (sévère, moyen ou modéré).
Caractéristiques
En tant que TED, le syndrome d'Asperger (SA) se caractérise par un ensemble de symptômes touchant notamment aux interactions sociales et aux centres d’intérêt. L'utilisation atypique du langage et la maladresse physique sont également des symptômes communs, bien que pas toujours retenus dans les critères de diagnostic. Les enfants atteints prennent souvent conscience de leur différence entre six et huit ans. Ils développent des stratégies de compensation. Ils peuvent éprouver des difficultés pour se faire des amis, s'organiser, se montrer attentifs et gagner en autonomie. Cependant, comme le dit (entre autres) Daniel Tammet, la vision du syndrome d'Asperger est déformée par l'image qui en est donnée dans la culture populaire (par exemple dans le film Rain Man, qui présente un savant autiste lourdement handicapé). Il existe de très nombreuses formes d'autisme, aucune n'étant « typique ». De même, l'ampleur des symptômes varie : pour le psychologue Tony Attwood, « on reconnaît que le syndrome se situe sur un continuum sans rupture qui se dissout à son extrême dans la normalité ». Le psychiatre Laurent Mottron tient à rappeler que le syndrome d'Asperger reste très invalidant s'il n'est pas reconnu et soutenu de manière appropriée, et que le DSM l'évalue comme étant de même gravité que l'autisme. Pour le psychologue Peter Vermeulen :
« La richesse de leur vocabulaire, leurs excellentes performances dans des domaines bien spécifiques, leur promptitude à engager la conversation, leur fantaisie trompent. Car derrière la façade d'une connaissance quasi encyclopédique et une éloquence charmante, se trouve un individu en souffrance pour qui le monde est un spectacle désordonné et incompréhensible. »
— Peter Vermeulen,Comprendre les personnes autistes de haut niveau : Le syndrome d'Asperger à l'épreuve de la clinique
Rapports sociaux
Les personnes Asperger ont généralement moins de déficits sociaux que les autres personnes atteintes d'autisme. Elles entretiennent peu de relations amicales, jouent peu avec des enfants de leur âge et préfèrent l'isolement. N'ayant pas de capacité innée à comprendre les relations interpersonnelles et le langage non-verbal, elles présentent un retard dans la maturité sociale (deux ans en moyenne dans l’acquisition du concept d'amitié) et l'empathie, ainsi que des difficultés pour contrôler leurs émotions. Alors que les enfants neurotypiques comprennent très bien les codes sociaux et l'expression des sentiments après cinq ans, les Asperger perçoivent le monde physique (et s'y intéressent) avant le monde social. Différentes études ont démontré que les stimuli sociaux (sourire, visage de bébé…) ne déclenchent pas d'émotion positive chez les autistes, y compris les Asperger. Ils souffrent d'un « déficit spécifique de la reconnaissance des émotions », en particulier pour la reconnaissance des visages et l’utilisation des indices non faciaux (gestes, contexte…), ce qui explique qu'ils regardent peu leurs interlocuteurs dans les yeux, emploient peu de gestuelle et présentent un visage peu expressif ou inexpressif.
Exemple de quiproquo possible entre une personne autiste Asperger et une personne qui ne l'est pas, en raison de l'intellectualisation des émotions
Les Asperger peuvent communiquer verbalement mais sans voir les signaux sociaux. Ils peuvent entamer un long monologue sur leur centre d’intérêt, sans comprendre ni voir l'éventuelle lassitude de leur interlocuteur, sa volonté de changer de sujet ou de mettre un terme à la conversation. Cette incapacité à réagir aux interactions sociales peut être interprétée comme un mépris du bien-être et des sentiments des autres ou un égocentrisme extrême, faisant passer la personne Asperger pour insensible. Elle met en relief la nécessité même de définir ce qu'est une « difficulté dans les interactions sociales » en fonction du contexte, le comportement des Asperger étant avant tout jugé « comme étant impoli ou manquant de retenue ». L'idée que les Asperger n'auraient pas du tout d'empathie est répandue. Tony Attwood l'a (entre autres) beaucoup nuancée :
« Il est important de comprendre que la personne Asperger a des aptitudes ToM et une empathie immatures ou réduites, mais non pas une absence d'empathie. Sous-entendre une absence d'empathie serait une terrible insulte aux personnes Asperger, avec pour corollaire qu'elles ne peuvent connaître ou se soucier des sentiments des autres. Elles ne sont pas capables de reconnaître les signaux subtils des états émotionnels, ou de « lire » des états d'âme complexes. »
— Tony Attwood,Le Syndrome d'Asperger, guide complet
Tous les individus Asperger ne vont pas aborder autrui. Certains affichent un mutisme sélectif, ne parlent pas du tout à la plupart des gens et excessivement à des personnes spécifiques. Ils peuvent choisir de ne parler qu'aux gens qu'ils aiment. Beaucoup apprennent les codes sociaux par imitation, pour compenser. En situation de contacts sociaux, un Asperger s'accorde souvent un temps de réflexion avant de répondre. Ses difficultés augmentent en fonction du nombre de personnes avec lesquelles il interagit et de son degré de stress : « dans les grands rassemblements sociaux, la quantité d'informations sociales peut être écrasante pour un Asperger ».
Ces difficultés touchent tant à l'impossibilité d'interpréter ses propres émotions qu'à l'interprétation de celles des autres. Du fait de ces limitations, les Asperger sont en difficulté pour résoudre les conflits. Peu diplomates et peu persuasifs, ils se montrent perfectionnistes, n'aiment pas reconnaître leurs erreurs et évitent les demandes aux autres. Ils sont enclins à signaler les erreurs et les faux pas sans percevoir l'embarras. Souvent, ces remarques sont mal prises par les autres, qui les perçoivent comme hostiles et critiques. Tony Attwood cite l'exemple d'adolescents Asperger qui ont fait remarquer une erreur à leur professeur devant toute leur classe, concluant que « le désir de corriger l'erreur prime sur le respect dû à l'enseignant ». Les Asperger peuvent développer une préoccupation pour l'image qu'ils donnent, et une peur de « faire des gaffes ».
L'hypothèse d'une prédisposition des Asperger à la violence et au crime a été examinée, mais n'est soutenue par aucune donnée. Celles-ci accréditent que les enfants Asperger sont plus souvent victimes que tourmenteurs. Un examen de comorbidité établi en 2008 a permis de constater qu'un nombre important de criminels violents Asperger souffraient d'autres troubles psychiatriques, comme le trouble schizo-affectif.
Intérêts restreints
Les enfants Asperger ont tendance à collectionner et classer (ici, une collection d'insectes).
Une caractéristique importante du syndrome d'Asperger réside dans les « intérêts restreints » que Hans Asperger décrit comme des « préoccupations égocentriques », Tony Attwood préférant parler d’« intérêt spécial ». Les Asperger développent un intérêt notablement profond et intense pour un domaine, généralement rattaché à la nature, aux sciences ou aux technologies. Ces enfants aiment souvent collectionner et classer des objets. Au fil du temps, cette collection et classification d'objets physiques se mue fréquemment en collecte et classification d'informations. Ces intérêts ne sont pas forcément circonscrits à un sujet unique. Ils peuvent constituer une palette et être variés : Tony Attwood estime que les animaux et la nature sont les deux plus courants, notamment à travers l’intérêt pour les dinosaures (chez les garçons) et les chevaux (chez les filles). Les enfants Asperger sont sensibles à la protection animale et aux injustices sociales. Il peut y avoir intérêt pour des domaines touchant aux interactions sociales comme la psychologie et l'anthropologie, sans doute pour compenser le déficit propre au syndrome. Il peut s'agir d'un intérêt pour les trains, pour des objets dont le nom commence par la même lettre, pour la musique, les arts plastiques, les mathématiques, un thème historique (par exemple Égypte ancienne), un pays, une émission de télévision... Ils évoluent avec la société, puisque les études récentes révèlent des intérêts fréquents envers les jeux vidéo, la japanimation et le cinéma de science-fiction. Parfois, à l'adolescence, l’intérêt se change en « fascination pour une personne donnée » (qu'elle soit réelle ou imaginaire) et évolue pour inclure l'informatique ou encore les littératures de l'imaginaire.
Les enfants Asperger communiquent difficilement sur leur centre d’intérêt avec autrui. Quand ils le font, cela provoque souvent une gêne en raison de leur tendance à ramener le sujet de conversation vers leur domaine favori. Cela pose des difficultés à leurs parents, car ils peuvent fuir les activités sans rapport avec leur passion et tenter d'imposer celle-ci à leur entourage. Ils évitent les aspects de leur passion qui nécessiteraient des contacts sociaux. Par exemple, un enfant ayant un intérêt pour le tennis pourra découper les classements mondiaux de ce sport dans des magazines, mais refuser de participer aux activités d'un club sportif de tennis.
La communication devient plus simple à l'âge adulte, les Asperger pouvant devenir de véritables experts reconnus dans leur domaine. Généralement jugés comme étant « bizarres » ou « inutiles » par les personnes neurotypiques, les intérêts revêtent une fonction importante dans l'équilibre et l'identité des personnes Asperger, notamment parce qu'ils leur permettent de diminuer leur sensation de stress face à leur incompréhension du monde, en classant et en ordonnant des objets ou des informations. Laurent Mottron cite de nombreux cas d'adolescents Asperger plongés dans la dépression à cause du harcèlement scolaire, qui sont redevenus « instantanément heureux » dès qu'ils ont été retirés de l'école et ont pu passer tout leur temps plongés dans leur intérêt spécial. Certains militants pour la neurodiversité vont plus loin, estimant que connaître le domaine d’intérêt d'un Asperger est l'unique moyen de connaître la personne elle-même, et que punir un enfant Asperger en le privant de lien avec son domaine d’intérêt serait une forme de violence ultime. Attwood note que « des difficultés à accéder à l'intérêt spécial peuvent mener à des inculpations pour des vols ». Les « intérêts restreints » sont enfin l'unique moyen pour les Asperger de « briller » en société, car l'ampleur des connaissances qu'ils détiennent dans leur domaine se révèle souvent « phénoménale ». Cette connaissance cache fréquemment un isolement social et l'impossibilité de trouver une activité professionnelle dans le domaine d’intérêt.
Les Asperger présentent aussi une forte résistance aux changements et une propension à suivre des routines inflexibles. Cette particularité n'est généralement pas visible au premier contact, mais elle le devient en cas de partage de la vie quotidienne.
Langage, apprentissage et mode de pensée
Bien que les critères diagnostiques insistent parfois sur l'inverse, il peut arriver que de jeunes enfants Asperger aient un retard dans l'acquisition du langage, en particulier dans l'aptitude à converser avec autrui. Ils sont surtout connus pour l'utilisation atypique qu'ils en font. La syntaxe, le vocabulaire et la phonologie sont bons (voire excellents dès l'âge de deux ans), mais ils ne savent pas utiliser le langage de façon adéquate dans le contexte social. Leur langage est acquis rapidement (généralement entre 18 et 30 mois) et se révèle « hyper grammatical », inhabituellement sophistiqué dès le plus jeune âge, ce qui a valu aux enfants étudiés par Hans Asperger le surnom de « petits professeurs ». Le langage peut paraître « pédant » et présenter des intonations inhabituelles (dysprosodie), un trouble du traitement auditif, des transitions abruptes, des mots hors contexte (idiosyncrasie) et de mauvaises interprétations, ou bien trop littérales (« au pied de la lettre »). Hans Asperger avait déjà observé un choix de vocabulaire formel. Une écholalie est possible.
Trois aspects du langage ont un intérêt clinique : la prosodie pauvre, le discours tangentiel et circonstanciel (tendance à parler en donnant beaucoup de détails inutiles et en s'éloignant du sujet initial) et la verbosité marquée. Bien que l'inflexion et l'intonation puissent être moins rigides ou monotones que dans l'autisme classique, les Asperger ont souvent une portée limitée dans l'intonation : la parole peut être exceptionnellement rapide, saccadée ou forte. Le discours peut transmettre un sentiment d'incohérence. Le style conversationnel ne parvient pas à fournir des contextes pour les commentaires, ou ne parvient pas à supprimer les pensées intérieures. Les personnes atteintes du syndrome peuvent ne pas détecter si la personne qui les écoute est intéressée ou engagée dans la conversation. Les tentatives de conclusion auprès de l'auditeur, pour augmenter la logique du discours ou pour passer à des sujets connexes, sont souvent infructueuses. Pour la psychologue Uta Frith, pionnière dans l'étude de l'autisme, « alors que certaines personnes atteintes du syndrome d'Asperger ont écrit avec éloquence à propos de leur vie, leur capacité à parler de leurs propres émotions semble être compromise (alexithymie) ». Hans Asperger a noté qu'ils n'ont pas de sens de l'humour, on note aussi des incompréhensions et des faiblesses envers tout ce qui est langage non-littéral incluant l'ironie, les taquineries et le sarcasme. Les Asperger comprennent bien ce qu'est l'humour, mais semblent ne pas comprendre l'intention de l'humour, à savoir partager le plaisir avec les autres. Malgré une forte évidence d'altération dans l'appréciation de l'humour, des rapports anecdotiques sur l'humour des Asperger semblent contester certaines théories psychologiques sur l'autisme.
Il arrive que les Asperger développent une boulimie de lecture à un âge précoce, grâce à leur compréhension des mots hors du commun (hyperlexie), dès 3 ou 4 ans. D'après Laurent Mottron, ils sont particulièrement compétents pour lire et acquérir du vocabulaire, au point d'avoir quatre ans d'avance en moyenne dans ce domaine à l'âge de huit ans, par rapport aux autres enfants. Des difficultés dans l'apprentissage non-verbal peuvent être détectées à travers les tests de QI. Les Asperger sont avantagés pour apprendre les chiffres, les lettres, des mots puis des textes par cœur et pour maîtriser l'orthographe, mais ils sont désavantagés dans l'organisation et les aptitudes psychomotrices. Cette difficulté à s'organiser et à planifier peut devenir visible à l'adolescence, quand l'apprentissage ne s'effectue plus à travers des mémorisations de textes et de dates, mais à travers l'organisation d'informations et le travail en groupe. Une baisse des notes scolaires est souvent constatée.
Le profil cognitif des adultes Asperger est significativement différent de celui des adultes neurotypiques. Une particularité de la pensée des personnes Asperger est d'être parfois visuelle, plutôt que basée sur des mots. Selon le psychanalyste Henri Rey-Flaud, cette principale spécificité psychique des personnes avec Asperger tient à une organisation de leur pensée selon un registre d'« images », tandis que dans l'autisme proprement dit, il s'agit du registre de l'« empreinte ».
Maladresse, auto-stimulation et stéréotypies
Une maladresse physique est souvent rapportée dans les témoignages. Les enfants éprouvent des difficultés pour apprendre à réaliser des tâches et activités telles que nouer leurs lacets, mettre et boutonner leur manteau, se brosser les dents, ouvrir un bocal, courir après un ballon et faire du vélo. Le développement moteur est retardé mais il s'améliore au fil du temps. Les témoignages (y compris d'adultes) font souvent part d'une sensation d'être « mal à l'aise dans leur propre peau » et de déplacements maladroits, mal coordonnés, d'une mauvaise démarche ou posture et de problèmes avec l'intégration visuo-motrice. La persistance d'un comportement stéréotypé (mouvements et vocalisations involontaires et répétitifs, tels qu'un battement des mains ou un mouvement complexe de tout le corps) est possible. Ces stéréotypies sont souvent prises en compte dans le diagnostic, en particulier dans le cadre d'auto-stimulations, ces comportements étant destinés à diminuer la sensation de stress. Les enfants peuvent rencontrer des difficultés dans l'apprentissage de l'écriture manuscrite (dysgraphie), comme Hans Asperger l'avait noté dans sa description originale du syndrome. Les déficits de la motricité grossière se repèrent généralement assez tard, contrairement à ce qui est observé pour l'autisme infantile. Au sein des troubles du spectre autistique, la maladresse est surtout documentée chez les Asperger. Il arrive que des adultes Asperger restent incapables d'apprendre à faire du vélo ou d'attraper correctement une balle. Ils peuvent montrer des problèmes de proprioception (sensation de la position du corps) sur les mesures de dyspraxie (trouble de la planification motrice), l'équilibre, la marche en tandem et l'apposition pouce-index. Il n'y a aucune preuve que ces problèmes de motricité se différencient de ceux des autres TSA.
Pe****tion sensitive et hypersensibilité
L'hyperacousie est présente avec une forte prévalence dans le syndrome d'Asperger.
Les autistes Asperger ont le plus souvent une excellente pe****tion auditive et visuelle. Les enfants atteints de TSA démontrent une pe****tion accrue des petits changements dans les habitudes telles que les arrangements d'objets ou d'images connues, mais contrairement aux individus atteints d'autisme de haut niveau, les Asperger ont des déficits dans certaines tâches impliquant la pe****tion visuo-spatiale, la pe****tion auditive et la mémoire visuelle. De nombreux témoignages font part de **** et d'expériences sensorielles inhabituelles. Ils peuvent être exceptionnellement sensibles ou insensibles au son, à la lumière et à d'autres stimuli. Ces réactions sensorielles existent dans d'autres troubles du développement. Il y a peu de données pour étayer l'augmentation de réponse combat-fuite ou l'échec de l'accoutumance ; il y a plus de preuves d'une diminution de la réactivité aux stimuli sensoriels, bien que plusieurs études ne montrent pas de différences. Les témoignages font état d'une intolérance aux bruits imprévus et incontrôlés, alors que les bruits contrôlés sont beaucoup mieux acceptés.
L'hypersensibilité est plus fréquente pour l’ouïe et le toucher. L'hyperacousie est présente dans 69 % des cas et les acouphènes dans 35 % des cas, d'après une étude épidémiologique sur 55 patients. L'hypersensibilité tactile peut être telle que la personne refusera de se laisser toucher (c'est le cas notamment de Temple Grandin), d'embrasser ou de se laisser embrasser sur la joue, de se laisser coiffer ou couper les cheveux (à cause de la sensation des cheveux coupés qui tombent sur le corps), de tenir certains objets dans les mains (colle, texture de vêtements, etc.) ou par l'aversion pour les vêtements inconfortables. Hans Asperger avait noté que les adolescents qu'il avait étudiés détestaient la sensation de l'eau sur leur visage. Cette particularité courante chez les Asperger entraîne des problèmes d'hygiène. Cependant, certaines sensations tactiles sont perçues comme plus agréables.
Plus de la moitié des Asperger ont une sensibilité olfactive et gustative supérieure à la moyenne. Ils peuvent se montrer difficiles dans leurs choix alimentaires. Entre 18 et 23 % des adolescentes anorexiques présentent aussi des signes de syndrome d'Asperger. L'hypersensibilité visuelle est documentée à travers des témoignages de femmes Asperger décrivant leur aversion pour la lumière au néon et pour les supermarchés et grands magasins, à cause du grand nombre d'objets de toutes formes et de toutes couleurs.
Rapport avec l'imaginaire et la fiction
Les autistes Asperger lisent souvent de la science-fiction.
Les Asperger, en particulier les femmes, ont tendance à développer un imaginaire abondant, qui constitue selon Tony Attwood une stratégie de compensation au sentiment d'être « socialement déficient », évitant ainsi les troubles d'anxiété. Les enfants ont très souvent des amis imaginaires, une particularité relatée dans les témoignages. Les enfants Asperger peuvent imaginer toutes sortes de situations : Peter Vermeulen cite le cas d'un jeune garçon passionné par l'agriculture qui se mettait en colère parce que ses parents marchaient sur les plantations qu'il imaginait faire pousser sur le sol de son appartement. Ce rapport à l'imaginaire peut évoluer à travers la lecture d’œuvres de science-fiction et de fantastique, une passion pour l'astronomie et la géographie de pays lointains et inconnus, et par l'écriture. La lecture et l'écriture ont l'avantage de permettre à la personne Asperger d'explorer les pensées des autres.
Par contre, d'après certains critères diagnostiques, les adultes Asperger peuvent présenter une déficience de l'imagination, absente chez les enfants. Elle se manifeste par l'incapacité à « faire semblant » et à créer de la fiction spontanée, ainsi que par un manque d’intérêt pour la fiction de manière générale, au profit d'aspects purement factuels, en particulier chez les hommes. Les femmes peuvent conserver un intérêt spécial dans la fiction. Un certain nombre de femmes Asperger deviennent même des auteurs à succès en littératures de l'imaginaire. La théorie de la déficience de l'imagination est controversée, de nombreux témoignages d'Asperger faisant état d'une imagination fertile.
Sexualité, vie de couple et maternité
Les personnes Asperger connaissent le même développement de caractères sexuels secondaires et ont les mêmes besoins que les personnes neurotypiques, mais leurs difficultés de communication limitent les interactions amoureuses et provoquent des comportements inappropriés. L'expérience de l'identité de genre est modifiée à l'adolescence à cause de l'incompréhension du contexte socio-sexuel. Nouer des relations avec la personne aimée est généralement difficile pour un Asperger : à l'adolescence, tous ressentent le besoin de plaire mais ils se trouvent souvent dans l'incapacité d'y parvenir. Ils ne s'intéressent pas à la mode vestimentaire ni aux codes de séduction associés, ne perçoivent pas le romantisme de certains contextes ou de certaines paroles et se trompent sur l'interprétation des émotions de leur partenaire. L'attraction est généralement davantage basée sur le physique de l'autre que sur le sexe. Il peut être difficile de trouver des intérêts communs : la musique, le théâtre et les animaux (en particulier les chats) peuvent rapprocher les deux personnes du couple. Il est rare en revanche qu'un Asperger s'intéresse au sport. Une autre difficulté se pose à travers la confiance accordée au partenaire, la quasi-totalité des Asperger accordant une confiance totale. Ils font souvent preuve d'une grande naïveté, il est ainsi particulièrement aisé de leur mentir. Par contre, une seule trahison de la confiance entraîne le plus souvent une rupture définitive de celle-ci. Certaines femmes Asperger se désintéressent totalement de l'amour et de la vie de couple. Bien qu'il n'existe pas d'étude fiable à ce sujet, il est possible que les Asperger aient une préférence pour les relations homosexuelles légèrement supérieure à la moyenne des personnes neurotypiques.
Durant la vie de couple, le manque d'attentions affectives peut pousser leur partenaire à croire qu'il n'est pas aimé. La personne Asperger a aussi tendance à croire que laisser son partenaire dans la solitude est le meilleur moyen de lui permettre de trouver du réconfort. Elle a des difficultés à apporter du soutien émotionnel et à partager des activités familiales. Le partenaire Asperger a aussi tendance à cacher ses éventuels sentiments de stress et de tristesse. Pour toutes ces raisons, l'effet du syndrome peut être dévastateur sur la vie de couple.
La sexualité peut se manifester par des routines obsessionnelles, ou au contraire par l'évitement de tout contact intime. Les Asperger pratiquent aussi plus souvent l'auto-stimulation sexuelle. Leur possible hypersensibilité tactile peut entraîner une pe****tion désagréable des relations intimes. Il existe encore peu d'études sur le rapport que les personnes Asperger entretiennent avec leurs enfants. Huit femmes Asperger devenues mères ont fait part d'une incompréhension récurrente dans la manière de les élever au mieux, d'un besoin de contrôle sur leur enfant, et d'expériences sensorielles inhabituelles.
Historique
La chercheuse allemande Uta Frith a étudié le syndrome d'Asperger.
Les premières descriptions remontent aux années 1920, mais Hans Asperger est le premier à réellement identifier le syndrome dans Psychopathie autistique de l'enfance, en 1944. Il fait preuve d'une remarquable précision dans sa description du syndrome, qu'il assimile à un trouble de la personnalité. Les observations de Hans Asperger restent globalement inconnues jusqu'en 1981, alors que celles de Leo Kanner forment la base de la définition de l'autisme infantile. Durant ce laps de temps, les observations de cas d'autisme « de haut niveau », ou autisme « atypique », se multiplient. Environ 25 % des patients diagnostiqués autistes ne présentent pas de déficience intellectuelle ni de retard du langage.
En 1981, la psychiatre britannique Lorna Wing publie une étude concernant 34 cas d'enfants autistes de haut niveau et utilise le terme de « syndrome d'Asperger ». Les recherches sur l'autisme de haut niveau se multiplient notamment dans les pays anglophones, contribuant à faire connaître le syndrome d'Asperger au grand public. Elle étend légèrement la conception qu'Asperger se faisait du syndrome qui porte désormais son nom. Cet article d'Hans Asperger est traduit en anglais par Uta Frith en 1991. Cela bouleverse la définition de l'autisme, puisque des personnes avec et sans retard mental (voire surdouées) entrent désormais dans le même « spectre autistique ». Plusieurs spécialistes travaillent sur la définition de critères diagnostiques fiables. En tant que TED, le syndrome d'Asperger fait son entrée dans la CIM en 1993 puis dans le DSM-IV en 1994.
À la suite d'un célèbre article de Steve Silberman (en) dans Wired en décembre 2001, intitulé « The Geek Syndrome », le nom de « syndrome geek » est aussi employé de manière inappropriée en référence au syndrome d'Asperger. Depuis les années 1990, une « culture Aspie » s'est mise en place à travers des sites internet, des associations et des publications autobiographiques. La médiatisation des prouesses intellectuelles de nombreuses personnes diagnostiquées, comme Daniel Tammet et Josef Schovanec, a popularisé le syndrome d'Asperger.
Causes et mécanismes
Les causes exactes de l'autisme d'Asperger restent inconnues, comme en témoigne le rapport du comité de la revue scientifique Nature, The Autism Enigma (2011) : « malgré les progrès réalisés, les efforts pour élucider comment les gènes et l'environnement influencent le développement de l'autisme sont encore loin d'atteindre leur but ». Plusieurs facteurs sont soupçonnés de jouer un rôle dans l'expression de l'autisme, compte tenu de la variabilité phénotypique observée chez les personnes atteintes du SA. Une chose est sûre, d'après Tony Attwood : « le syndrome d'Asperger n'a pas une origine psychogène, mais bien plutôt une étiopathogénie impliquant des mécanismes génétiques et des anomalies cérébrales » (2012). Les facteurs environnementaux sont soupçonnés d'influencer l'ensemble du cerveau, plutôt qu'une partie précise. Il est possible que le mécanisme du syndrome d'Asperger soit séparé des autres TSA.
De nombreux éléments étayent la thèse d'une transmission génétique, les membres de la famille des personnes diagnostiquées Asperger présentant souvent un ou plusieurs symptômes. Hans Asperger l'avait remarqué. Il reste à découvrir les mécanismes génétiques précis qui sont impliqués. Les recherches s'orientent sur des mécanismes communs avec l'autisme classique. Une déficience en cofacteur à molybdène (MOCO) pourrait entraîner l'hypersensibilité au stress oxydatif, une diminution du nombre de synapses et une neurotransmission anormale. L'Acide γ-aminobutyrique (GABA) semble lui aussi déficient, ce qui induirait les difficultés à gérer et à supprimer les images visuelles, et la tendance à se focaliser sur des détails. Le syndrome d'Asperger pourrait dépendre de composantes génétiques dominantes sur celles de l'autisme classique. Il y a probablement un groupe commun de gènes et notamment d'allèles qui rendent une personne vulnérable au développement du SA ; si tel est le cas, la combinaison particulière d'allèles déterminerait la gravité des symptômes pour chaque individu touché. Certains chercheurs mettent en cause le chromosome 6 humain et la flore intestinale. Des recherches publiées en mars 2015 ont révélé une similitude entre les gènes impliqués dans l'autisme et ceux de l'intelligence, ce qui pourrait expliquer les performances cognitives parfois étonnantes des personnes autistes sans déficience intellectuelle. Contrairement à la théorie qui a longtemps prévalu, les mères d'enfants Asperger n'ont aucune responsabilité dans les troubles de leur enfant.
Plusieurs représentations conceptuelles des mécanismes du syndrome ont été proposées. La théorie d'une « faible cohérence centrale » (déséquilibre spécifique dans l’intégration des informations à différents niveaux), émise par Uta Frith en ****, a été depuis largement remise en cause, notamment par les capacités de mémorisation des personnes Asperger. Une anomalie liée à la théorie de l'esprit (incapacité à comprendre normalement ce qui est émis par l'autre selon Uta Frith et Simon Baron-Cohen, incapacité à émettre des éléments recevables par l'autre donc à être compris normalement selon Tony Attwood), semble être à l'œuvre. Simon Baron-Cohen penche plutôt pour un cerveau « hypermasculin », caractérisé par une empathie défaillante et une plus grande aptitude à « systémiser ». La théorie d'une « motivation sociale très diminuée » connaît une certaine popularité.
Difficultés pré et post-natales, facteurs environnementaux
Dans sa première publication sur le sujet en 1981, Lorna Wing a noté que bon nombre de mères d'enfants Asperger avaient vécu une grossesse difficile, pouvant être à l'origine d'anomalies cérébrales chez l'enfant. Une étude ultérieure montre que 31 % des mères ont vécu des complications durant leur grossesse, 60 % ayant rencontré des problèmes divers jusqu'à l'accouchement. La comparaison de la taille et du poids des enfants (facteurs obstétriques) n'a donné aucun résultat concluant, bien que certains bébés naissent avec une macrocéphalie (un crâne plus développé que la normale). Plus d'un Asperger sur quatre présente un développement du périmètre crânien plus rapide qu'un bébé neurotypique, qui redevient normal après l'âge de cinq ans. Il semble aussi que les cas de syndrome d'Asperger soient plus fréquents lorsqu'il s'agit de naissance prématurée ou après terme.
Quelques cas de syndrome d'Asperger ont été liés à une exposition à des agents tératogènes (agents causant des maladies congénitales) pendant les huit premières semaines qui suivent la conception. Bien que cela n'exclue pas la possibilité que les TSA soient initiés plus tard, elles sont fortement soupçonnées de se développer très tôt dans le développement de l'enfant. De nombreux facteurs environnementaux sont soupçonnés d'influencer le développement du syndrome après la naissance, mais aucun n'a pu être mis en évidence.
Différences cérébrales
Comparaison des zones de compréhension orale et visuelle du cerveau neurotypique et du cerveau asperger.
Les études neurologiques (en imagerie cérébrale notamment) ont mis en évidence un dysfonctionnement du cerveau social chez les personnes Asperger, touchant plus particulièrement le lobe frontal et les régions temporales du cortex. Le réseau qui relie le médial préfrontal au cortex temporal, impliqué dans l'intuition et la théorie de l'esprit, présente une activation réduite et une mauvaise connectivité. Un dysfonctionnement du cervelet est également évoqué, il serait impliqué dans la maladresse et les problèmes de coordination des mouvements, entraînant une insuffisance dans la capacité à associer les entrées sensorielles avec les commandes motrices appropriés. L'amygdale et les ganglions de la base ont été mis en cause, aboutissant à la conclusion que « la connectivité fonctionnelle des structures du lobe temporal médian est spécifiquement anormale chez les personnes atteintes du syndrome d'Asperger ». Des recherches plus anciennes avaient penché pour un dysfonctionnement de l'hémisphère cortical droit, rapprochant ce syndrome du trouble de l'apprentissage non-verbal. Enfin, d'autres anomalies ont été détectées au niveau du système dopaminergique pour ce qui concerne la dopamine présynaptique. Elles sont similaires à celles que l'on constate dans les cas de schizophrénie. Des études préliminaires s'orientent sur l'élargissement des aires temporales et pariétales, et l'augmentation de la matière grise.
Anomalies liées à la théorie de l'esprit
Exemple de manque de théorie de l'esprit (d'empathie) lorsqu'un autiste Asperger répond à une question impliquant de l'émotionnel
La théorie de l'esprit se définit par la capacité à reconnaître et comprendre les pensées, les croyances, les désirs et les intentions des autres, ce qui en fait un synonyme de « capacité d'empathie ». En 1985, la publication de l'article Does the autistic child have a “theory of mind”? (Les enfants autistes ont-ils une « théorie de l'esprit » ?) lance le débat. La conclusion tirée des expériences est l'existence d'un déficit spécifique indépendant du niveau intellectuel. Les auteurs précisent dans l'article que « nos résultats renforcent fortement l'hypothèse selon laquelle les enfants autistes considérés à l'échelle du groupe échouent à employer la théorie de l'esprit ». Plus tard, cette hypothèse est affinée dans le cadre du syndrome d'Asperger : « les données expérimentales suggèrent que les personnes atteintes du syndrome d'Asperger peuvent manquer de théorie intuitive de l'esprit (mentalisation), mais peuvent être en mesure d'acquérir une théorie explicite de l'esprit ». Le dysfonctionnement de l'amygdale semble impliqué.
Les personnes diagnostiquées avec un syndrome d'Asperger atteignent le même niveau de performance que les sujets contrôles à certains tests simples de la théorie de l'esprit, mais elles échouent plus souvent aux tests complexes, témoignant d'un « déficit sélectif pour interpréter les intentions d’autrui ». Ils obtiennent de moins bons résultats dans l'empathie cognitive (la compréhension des émotions de l'autre) mais sont dans la moyenne sur l'empathie affective. Le déficit affecte spécifiquement la reconnaissance des émotions positives.
Selon Uta Frith et F. Happe, il est possible également que les Asperger aient une conscience d'eux-mêmes différente des personnes neurotypiques, car faisant appel à l'intelligence et à l'expérience plutôt qu'à l'intuition. Elle se révélerait naturellement plus proche de celle d'un philosophe. Tony Attwood adhère à cette vision et cite en exemple les autobiographies des personnes Asperger, dont les qualités sont « quasiment philosophiques ».
Diagnostic
Les parents d'enfants Asperger repèrent classiquement des différences dans le développement de leur enfant dès l'âge de 30 mois. Un examen de routine par un médecin généraliste ou un pédiatre peut permettre d'identifier des symptômes qui demandent des examens complémentaires. Le diagnostic du syndrome d'Asperger est complexifié pour de nombreuses raisons. Situé dans la partie haute du spectre des troubles autistiques (à la différence de l'autisme de Kanner ou autisme infantile classique), il est plus difficile à repérer que ce dernier car ne s'accompagne pas d'un retard mental. Cette difficulté réside dans le caractère invisible des troubles du spectre de l’autisme sans déficience intellectuelle, une spécificité soulignée par de nombreux spécialistes. Le syndrome d'Asperger est donc souvent qualifié de « handicap invisible ». L'éducatrice spécialisée Carol Gray et le psychologue Tony Attwood ont proposé dans les années 1990 des critères de diagnostic tenant compte de découvertes récentes. Plusieurs instruments de dépistage existent pour les enfants, les adolescents et les adultes. Ces critères ne font pas consensus. Par exemple, l'absence de retard dans l'acquisition du langage est un critère important dans certaines grilles diagnostiques, alors que des patients diagnostiqués en présentent un.
Des cas de sous et sur-diagnostics sont fréquents, soit parce que la popularité des options de traitement incite à diagnostiquer des TSA pour des symptômes incertains, soit car le coût du dépistage et la difficulté à obtenir une compensation financière inhibent ou retardent le diagnostic. D'après Tony Attwood, le diagnostic des femmes est plus difficile que celui des hommes en raison de leur capacité à masquer délibérément leurs difficultés dans les interactions sociales. L'auteure et militante Liane Holliday Willey, elle-même atteinte, estime que les femmes sont fortement sous-diagnostiquées. De même, le diagnostic est plus difficile à poser à l'âge adulte que pendant l'enfance. Les troubles sociaux ne sont pas toujours visibles dans la petite enfance et les adultes apprennent à les cacher par un apprentissage compensatoire. La grande majorité des travaux de recherche portent sur le diagnostic pendant l'enfance, malgré les preuves évidentes d'une persistance à l'âge adulte. La parution de plus en plus fréquente d'autobiographies à succès écrites par des autistes Asperger et d'articles sur le sujet dans les médias conduisent un nombre croissant d'adultes qui s'y reconnaissent à demander un diagnostic pour eux-mêmes ou l'un de leurs proches : pour Laurent Mottron, ces demandes de diagnostic doivent être prises au sérieux car elles mènent souvent à des confirmations du syndrome.
Épidémiologie
Le taux de prévalence estimé du syndrome d'Asperger varie selon les résultats des études, de 0,3 à 48 pour 10 000 (données 2012 et 2013), ce qui donne un taux entre 1 sur 33 000 et 1 sur 1 100. En prenant pour base les critères du D Gillberg, qui ont la préférence de Tony Attwood, il y aurait un enfant atteint pour 200 à 250 enfants non autistes.
Le syndrome d'Asperger représenterait environ 10 % des TED. Pour des raisons toujours discutées, le taux de prévalence du syndrome a tendance à augmenter au fil du temps. Diverses hypothèses explicatives sont étudiées : l'élargissement des critères de diagnostic, une meilleure connaissance de la pathologie par les médecins et leurs familles, un changement des conditions environnementales et sociales. Aux États-Unis en particulier, les amitiés et les relations familiales dans le milieu socioculturel ont pu conduire à cette augmentation de la prévalence du syndrome.
Une étude publiée en 2015 donne une estimation d'environ 31 millions de personnes touchées à travers le monde en 2013, qu'elles soient diagnostiquées ou non. Environ 46 % des enfants diagnostiqués ont un parent au premier degré présentant lui aussi des symptômes de ce syndrome, un taux qui monte jusqu'à environ 50 % en utilisant des critères élargis : en 1998, une étude épidémiologique avait conclu que 5 % des mères et 20 % des pères ont des symptômes clairs et visibles du syndrome, ce qui accrédite la thèse d'une transmission génétique. En examinant aussi les personnes apparentées au 2 et au 3 degrés, il apparaît que les deux tiers des personnes diagnostiquées ont un parent qui présente des symptômes similaires.
Le syndrome est diagnostiqué chez 3 à 4 garçons pour une fille mais un écart généralement plus faible (répartition égale), parfois plus fort (jusqu'à 9 garçons pour une fille), est avancé par différents chercheurs pour la répartition réelle (comptant les non-diagnostiqués).
Pronostic
Pour Tony Attwood, le syndrome d'Asperger est une pathologie sévère, mais qu'il ne faut pas considérer de façon trop pessimiste en ce qui concerne son évolution, la personne atteinte pouvant apprendre à développer ses capacités sociales. Ainsi, environ 20 % des enfants atteints ne rencontrent plus les critères diagnostiques une fois adultes, bien que les difficultés sociales et de communication puissent persister. L'apprentissage permet d'améliorer significativement les relations sociales au cours de la vie, y compris après l'âge de trente ans. Les déficits sociaux peuvent rester à vie, mais le résultat est généralement plus positif que pour les personnes situées dans la partie basse des troubles du spectre autistique. De plus, les symptômes du TSA sont plus susceptibles de diminuer avec le temps chez les enfants atteints d'un syndrome d'Asperger ou d'autisme de haut niveau.
Il existe peu d'études sur les conséquences du syndrome à long terme. Les personne atteintes semblent avoir une espérance de vie normale, mais un risque accru de comorbidité d'ordre psychiatrique, affectant le pronostic. Mi-2015, une étude sur 50 hommes adultes Asperger âgés en moyenne d'une trentaine d'années montre que seuls trois d'entre eux ne rencontrent plus les critères d'un trouble neurologique ou psychiatrique vingt ans après leur premier diagnostic d'autisme. Plus de la moitié souffrent d'un trouble du déficit de l'attention ou de dépression, mettant en lumière la nécessité d'un suivi des personnes Asperger sur le long terme.
Conséquences
Les déficits sociaux des Asperger provoquent de nombreux quiproquos en cas de comportement inapproprié à une situation donnée : par exemple, la difficulté à établir un contact visuel est prise à tort pour de la culpabilité. Les Aspergers reçoivent de très nombreux reproches tout au long de leur vie, pour des comportements qu'il leur est impossible de changer (auto-stimulations, maladresse sociale...). Beaucoup souffrent de l'impossibilité de nouer des amitiés. Les efforts fournis en situation de contacts sociaux peuvent leur demander un état d'alerte permanent et les pousser vers l'épuisement mental et physique. Le stress influence très négativement les personnes Asperger, notamment parce qu'il diminue encore davantage leur pe****tion des états d'âme d'autrui. Les signes du syndrome sont plus visibles en période de stress.
Harcèlement et intégration scolaire
Exemple de difficulté que peut rencontrer un autiste Asperger dans le cadre scolaire
Les enfants Asperger sont fréquemment brimés par les autres dans le cadre scolaire, ils sont dans l'ensemble plus vulnérables au harcèlement que les autres enfants. Selon Laurent Mottron et la majorité des témoignages, ce harcèlement survient généralement vers l'âge de dix ans (entrée au collège) et s'accompagne de stress puis d'anxiété : auparavant, les Asperger sont favorisés à l'école primaire grâce à leurs capacités d'apprentissage. Leur besoin fréquent de réfléchir avant de répondre dans les contextes sociaux conduit les autres enfants à les prendre pour des gens pédants, formels ou intellectuellement retardés, ce qui constitue une cause fréquente de harcèlement scolaire. Le stress post-traumatique résultant de ce harcèlement conduit un grand nombre de filles Asperger à l'échec scolaire, et à abandonner des études et perspectives de carrière brillantes.
Les Asperger ont tendance à refouler leurs sentiments et à s'excuser en permanence. Leurs tentatives pour s'intégrer et nouer des relations amicales sont rarement fructueuses. Ils peuvent subir un harcèlement moral continu. Les cas de harcèlement les plus graves sont désastreux pour leur estime d'eux-mêmes et leur équilibre psychique. Tony Attwood dispense différents conseils pour éviter le harcèlement des enfants à l'école : leur permettre de se réfugier auprès d'un groupe, favoriser la constitution de groupes d'enfants ayant le même profil, les encourager à dénoncer ce dont ils sont victimes et à exprimer ce qu'ils ressentent d'une façon claire. Des difficultés d'intégration surviennent pendant tout le parcours scolaire, y compris à l'université. À cause de leurs particularités sensorielles, certains élèves Asperger sont contraints d'éviter des lieux tels que les syndicats d'étudiants, les bars et les bibliothèques.
Difficultés à trouver et garder un emploi
Exemple de discrimination à l'embauche subie par un autiste
À compétences égales, les Asperger éprouvent davantage de difficultés à trouver et conserver un emploi. Passer les entretiens d'embauche, travailler en groupe, diriger une équipe, respecter les délais et gérer leur stress sont autant d'obstacles. D'après Tony Attwood, « il y a probablement un fort taux de syndromes d'Asperger parmi les personnes au chômage de manière chronique », bien qu'il existe aussi des cas de réussites professionnelles remarquables. Une étude réalisée sur les 250 000 Asperger recensés au Royaume-Uni en 2001 révèle que seuls 12 % d'entre eux ont un travail à temps plein. De manière générale, environ 90 % d'entre eux seraient sous-employés et dans l'impossibilité de gagner leur indépendance financière (2004). De plus, les Asperger ont généralement du mal à évaluer la valeur de leur propre travail et peuvent être exploités financièrement, ou bien subir diverses moqueries de la part de leurs collègues. Ils sont vus à tort comme des gens fainéants, irresponsables ou stupides.
Ils ont pourtant plusieurs avantages sur les personnes neurotypiques dans le monde du travail. Ils semblent favorisés pour assimiler la programmation et le graphisme informatiques, et ont généralement un respect absolu des règles, qui les rend très intègres. Si l'emploi se trouve dans le domaine d’intérêt spécial, alors la personne Asperger sera « hyper-compétente ».
Vulnérabilité aux troubles émotionnels ou psychologiques
L'anxiété est très fréquente chez les Asperger.
Le psychiatre Mohammad Ghaziuddin a étudié les liens entre le syndrome d'Asperger et les troubles mentaux. Le syndrome d'Asperger est souvent lié à divers problèmes émotionnels et psychologiques : 65 % des personnes atteintes souffrent d'un trouble de l'humeur ou d'un trouble affectif, les plus fréquents étant l'anxiété et la dépression. 25 % des adultes Asperger présentent des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Sont observés également une tendance à l'automutilation et au stress post-traumatique, et un comportement agressif (colères fréquentes). Le risque de développer des troubles hallucinatoires, de la paranoïa ou un trouble des conduites est également assez élevé. De tous les TSA, le syndrome d'Asperger semble être le plus susceptible de se combiner à un trouble bipolaire.
Environ la moitié des Asperger souffrent d'un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), les deux diagnostics n'étant pas exclusifs. L'hyperactivité peut persister à l'âge adulte et entraîner des problèmes notables d'organisation et de concentration. D'après Laurent Mottron, il semble que les Asperger souffrent d'un déficit attentionnel spécifique, qui puisse être traité comme les TDAH. Un haut niveau d'alexithymie est caractéristique de ce syndrome, entraînant les difficultés connues pour identifier et décrire ses émotions et celles d'autrui. Les enfants Asperger sont plus susceptibles que les autres d'avoir des troubles du sommeil, y compris des difficultés d'endormissement, de fréquents réveils nocturnes et des réveils matinaux. Bien que le syndrome, la faible qualité du sommeil et l'alexithymie soient liés, leur relation causale est incertaine. Par contre, les problèmes rencontrés dans les interactions sociales pour maintenir des amitiés et des relations avec les pairs semblent jouer un rôle important dans la santé mentale et le bien-être des personnes Asperger.
Anxiété
Les difficultés sociales, la tendance à intellectualiser plutôt qu'à employer l'intuition, l'incertitude quant à la façon dont les autres vont les percevoir et les juger génèrent une anxiété importante chez les personnes Asperger, qui peut s'aggraver jusqu'à un trouble anxieux généralisé ou un mutisme sélectif. Les enfants perçoivent souvent les relations avec leurs camarades d'école comme étant anxiogènes. Les adultes peuvent être traités pour anxiété chronique. Il est possible que cette anxiété soit une composante du syndrome liée aux particularités neurologiques, ou bien qu'elle soit le résultat d'autres problèmes liés, comme l'hypersensibilité (notamment au bruit) et l'alexithymie. Pour lutter contre leur anxiété, les Asperger choisissent de s'isoler et de limiter leurs contacts sociaux, par exemple en refusant d'aller à l'école.
Dépression, schizophrénie et suicide
« Dans la pratique clinique, le diagnostic différentiel du syndrome d'Asperger par rapport à la schizophrénie peut être un défi ». De nombreux faux diagnostics, dus notamment à la méconnaissance du SA, ont conduit à des prises en charge inadaptées. Une étude portant sur 58 personnes diagnostiquées a révélé que 15 % d'entre elles ont des schizophrènes parmi leur famille, 60 % ayant des membres de leur famille diagnostiqués dépressifs. Cela suggère un lien entre ce syndrome, la dépression et la schizophrénie. Dans quelques cas, une fuite poussée dans l'imaginaire peut déboucher sur un diagnostic de schizophrénie : une étude a porté sur neuf personnes avec Asperger suivies pendant vingt ans, trois d'entre elles ayant évolué vers une schizophrénie « avec délires et hallucinations ». Malgré tout, ce risque d'évolution semble relativement faible.
Les Asperger semblent beaucoup plus vulnérables aux pensées suicidaires que le reste de la population. Un étude de Simon Baron-Cohen sur 374 personnes adultes Asperger montre que 66 % d'entre elles ont déjà eu des pensées suicidaires. Sur 50 autres personnes Asperger interrogées pour les besoins d'une autre étude, 18 (soit plus de 35 %) ont déjà fait une tentative de suicide. Ce penchant suicidaire semble être en lien avec la dépression et les symptômes les plus sévères du syndrome, mais aussi les nombreuses difficultés rencontrées par ces personnes en termes d'exclusion sociale, d'isolement et de solitude. Le harcèlement scolaire peut conduire à ces pensées suicidaires et une attitude extrêmement critique envers soi-même et les autres. Tony Attwood estime que « chez les adolescents Asperger, la dépression est plutôt la règle que l'exception ». Si une prédisposition génétique peut entrer en compte, l'influence du sentiment de rejet et des moqueries que les Asperger subissent régulièrement n'est pas à négliger.
Vulnérabilité aux addictions
L'une des raisons de l'addiction au jeu chez les autistes Asperger
Les études de cas sur les personnes Asperger ont révélé un grand nombre d'addictions. Sur cent hommes Asperger âgés de 5 à 24 ans (2004), treize souffrent d'alcoolisme sévère et trois de toxicomanie. L'une des addictions les plus fréquentes est donc l'alcoolisme, qui constitue « un mécanisme d'adaptation pour faire face à la vie quotidienne », notamment pour soulager le sentiment d'anxiété pendant les situations sociales. De nombreux Asperger deviennent dépendants et, sans aide ni prise de conscience de leur état et de leur syndrome, empruntent un chemin d'auto-destruction. La toxicomanie est également assez fréquente, bien que la limitation des contacts sociaux puisse préserver les adolescents de ce type de consommation. La consommation de marijuana (cannabis) est courante chez certains Asperger, qui affirment en avoir besoin pour contrôler leur anxiété. Les témoignages de consommation d'alcool et de drogue évoquent une tentative de pallier la maladresse sociale, précisant aussi que cette consommation n'a été d'aucune aide.
Parmi les jeunes générations, l'addiction à internet et plus particulièrement aux jeux vidéo de type MMORPG est notable. Pour le D John Charlton, qui a découvert de nombreux traits du syndrome d'Asperger lors d'une étude sur 400 gamers, il est important de rappeler que la pratique du jeu vidéo ne cause pas l'autisme, mais qu'elle permet aux autistes de « s'échapper dans un monde où ils peuvent éviter les interactions en face-à-face ». Un article publié dans Wired News suggère que les particularités du syndrome rendent les Asperger naturellement plus doués pour comprendre et exploiter les mécanismes de ces jeux, augmentant d'autant leur attrait.
Les raisons de ces addictions restent à définir. L'héritage génétique pourrait être mis en cause.
Évaluation et prise en charge
La méditation (ici, en posture de yoga) permet aux Asperger de gérer leur stress sans risque d'addiction
Il existe diverses approches pour la prise en charge de l'autisme. Les parents d'enfants atteints du syndrome d'Asperger font face à de nombreux facteurs de stress durant l'éducation, davantage encore que les mères d'enfants non handicapés ou concernés par d'autres handicaps, mais ce stress parental est très peu étudié.
Approche comportementale
L'approche cognitivo-comportementale est la seule dont l'efficacité pour la prise en charge de l'autisme a été systématiquement évaluée scientifiquement. Le National Institute of Neurological Disorders and Stroke (en) (aux États-Unis) et la Haute Autorité de santé (en France), par ailleurs critiquée, préconisent une prise en charge centrée sur ces thérapies comportementales, qui se concentrent sur des déficits spécifiques : capacités de communication faibles, routines obsessionnelles et répétées, maladresse physique. Plusieurs études sur les programmes d'entraînement aux habiletés sociales (EHS) ont démontré leur efficacité, notamment pour favoriser une meilleure adaptation psychologique des enfants. Le guide d'Intervention cognitivo-comportementale auprès des enfants et des adolescents recommande un entraînement aux compétences sociales en commençant par la reconnaissance des émotions et de la communication non-verbale, passant par le jeu de rôle. Tony Attwood conseille également un programme d'éducation affective avec les enfants, pour leur apprendre comment nouer des amitiés, puis un programme de restructuration cognitive pour apprendre à gérer l'anxiété et remonter l'estime de soi, en utilisant (entre autres) la conversation par bande dessinée. L'utilisation d'un support vidéo semble également appropriée. Une dizaine d'études portant sur ces approches, et notamment sur les « scénarios sociaux », concluent qu'elles « sont bénéfiques et significativement efficaces » pour réduire les comportements inappropriés, et que « la TCC permet de réduire les symptômes d'anxiété de manière significative chez les enfants atteints d'Asperger ». Une étude menée en 2009 conclut que 79 % des patients suivant une TCC ont ressenti une diminution de leur anxiété. Ces thérapies semblent également efficaces pour réduire les troubles de l'attention.
De nombreuses associations de parents et de personnes Asperger définissent la construction des politiques de santé. D'après la sociologue et historienne des sciences Brigitte Chamak, « dans les pays où ces approches [comportementales] sont généralisées depuis de nombreuses années, les mêmes témoignages de parents surmenés, épuisés, désemparés continuent à se multiplier, et ce malgré les publications « scientifiques » rédigées par ceux qui prônent et appliquent ces méthodes. ». Les critiques des psychanalystes contre les TCC en visent aussi l'aspect « conditionnant », qui ôterait la liberté de choisir, de penser et de s'exprimer. Ces aspects ont poussé Michelle Dawson, chercheuse elle-même autiste, à s'opposer à l'imposition des TCC au Canada. Selon Alan J. Levy, psychiatre et psychanalyste, l'efficacité des approches éducatives et comportementales donne des résultats contradictoires et ces approches ne sont pas adaptées à la phénoménologie du syndrome d'Asperger. La neuropsychologue Myriam Noël-Winderling est critique à l'égard de l'accent mis sur l'empathie, de la théorie de l'esprit et des thérapies comportementales qui, selon elle, vont à l'encontre des ressources des personnes avec Asperger et les enferment une vision déficitaire d'eux-mêmes, où l'individu est réduit à des symptômes d'ordre statistique.
Approche psychanalytique
L'approche psychanalytique fut longtemps la seule option de prise en charge de l'autisme considérée comme valable, notamment sous l'influence de Bruno Bettelheim. Selon Jacques Hochmann, les psychanalystes ont à cette époque été les seuls à s'occuper des enfants autistes « avec humanité ». Selon Mottron, les psychanalystes ont progressivement cessé d'inclure l’autisme avec déficience dans leur champ explicatif à partir des années 1970 — mais pas les TEDSDI —, à l'exception de la France et de l'Amérique latine. Il note que sa position est proche des psychanalystes sur le point de l'intelligence que ces derniers reconnaissent aux autistes. L'approche psychanalytique est de plus en plus décriée au profit de l'approche comportementale. La théorie, longtemps mise en avant, selon laquelle le développement de l'autisme chez l'enfant provient d'un manque d'amour des mères, des thérapies controversées (comme le packing) et le refus de certains praticiens de prendre en compte les découvertes scientifiques ont pour beaucoup contribué à la décrédibiliser. Tony Attwood déconseille le recours à une thérapie psychanalytique mère-enfant, pour éviter une culpabilisation inutile des mères, précisant que « de façon générale, la technique des thérapies psychanalytiques est mise à mal avec les patients présentant un SA », en s'appuyant notamment sur une étude publiée par la psychothérapeute Paula Jacobsen en 2004. Parmi les personnes diagnostiquées Asperger, Josef Schovanec, témoigne que son suivi de cinq ans par « l'un des psychanalystes les plus réputés de Paris » lui a coûté très cher, sans résultat.
D'après la psychanalyste pour enfants Maria Rhode, il existe un malentendu répandu selon lequel les psychanalystes en leur ensemble tiendraient les parents pour responsables de l’autisme de leurs enfants, tandis que les positions contraires de la part d'autres psychanalystes sont systématiquement ignorées, comme par exemple celle de Frances Tustin. Les psychanalystes déclarent avoir abandonné toute théorie culpabilisante des mères ou plus largement des parents, prendre en compte les dernières avancées scientifiques et mettre l'accent sur une position éthique de respect de la souffrance des patients et de leur famille, à qui ils proposent une « alliance thérapeutique » en insistant sur la dimension relationnelle. Ils disent avancer de nombreuses conceptions différentes, comme celle de « sujets avec autisme », et reconnaître la pluricité des autismes, dont le syndrome d’Asperger.
Selon Fred R. Volkmar, les études d'inspiration psychanalytique concernant l'autisme sont rares, mais il souligne que les diagnostics d'Asperger ne sont pas clairs et que les techniques psychanalytiques ne sont pas unifiées. Cela limite les comparaisons entre études. Il existe selon lui des perspectives de traitement à long terme des personnes avec Asperger. La psychanalyse pourrait avoir un avenir important dans la prise en charge du SA, en raison des difficultés rencontrées avec la théorie de l'esprit, pour permettre aux personnes Asperger d'apprendre à « connaître la pensée de l'autre » et à « affronter les difficultés et frustrations qu'ils ont rencontrées dans leur vie ». Selon le psychanalyste Henri Rey-Flaud, la pensée visuelle pose une difficulté dans le cas des personnes Asperger, dans le registre de la symbolisation et de la relation d'objet, ces personnes ont construit des défenses psychiques en réponse à la difficulté à trouver leur place vis-à-vis des autres. Ce que note également Myriam Noël-Winderling, pour qui l'approche psychanalytique permet à la personne avec Asperger de conserver et protéger un centre névralgique qui lui est propre et de lui apporter un éclairage dans son rapport aux autres et à la réalité.
Psychothérapies
Tony Attwood ne donne pas de conseils sur les psychothérapies classiques d'une manière générale, signalant des avis variés. Il rappelle que le praticien doit avoir une bonne connaissance des recherches en psychologie cognitive pour prendre un patient Asperger en charge. La psychologie analytique a démontré son efficacité, les psychothérapies conventionnelles permettent d'améliorer les relations parents-enfant.
Méditation, zoothérapies et robots
Pour ce qui concerne la méditation, plusieurs spécialistes, y compris dans le monde scientifique, ont conclu que cette pratique est potentiellement bénéfique pour aider à gérer le stress des personnes autistes. Un ouvrage répertorie des témoignages et différentes techniques de méditation accessibles aux personnes Asperger pour leur permettre de « reprendre du contrôle et améliorer leur vie au quotidien ». Le yoga fait également l'objet de publications, allant dans le sens d'un bénéfice apporté par cette pratique aux enfants et aux adultes. D'autres exercices de relaxation peuvent être pratiqués, tels que les massages. Beaucoup de témoignages font part de l'aide apportée par les animaux de compagnie, notamment pour diminuer le sentiment de solitude. Des essais fructueux ont également été menés avec l'équithérapie, la delphinothérapie et plus récemment (2015) le dialogue et l'évaluation avec un robot.
Médication
Il n'existe aucun médicament pour traiter les symptômes de base du SA, mais il est essentiel de traiter la comorbidité. En raison de leurs difficultés à analyser leurs propres émotions, les personnes atteintes peuvent estimer que la médication ne leur est pas nécessaire, même pour réduire l'anxiété, la dépression, l'inattention et l'agressivité. L'association des antipsychotiques atypiques rispéridone et olanzapine permet une réduction des comportements répétitifs, de l'automutilation, des crises d'agressivité et de l'impulsivité. L'usage de la rispéridone sur des patients Asperger adolescents et adultes pendant trois ans a démontré des améliorations cliniquement significatives des symptômes négatifs. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), fluoxétine, fluvoxamine et sertraline, sont efficaces dans le traitement des intérêts et comportements restreints et répétitifs.
Les données manquent pour permettre d'évaluer les effets secondaires de ces traitements et leur efficacité sur la durée. Les études s'orientent sur les effets croisés des traitements potentiels. Il est possible que l'exposition à des antidépresseurs pendant la grossesse et la petite enfance augmente le risque de TSA. De plus, l'usage de certains médicaments est déconseillé si la personne présente une tendance à l'addiction. Un nombre conséquent de personnes Asperger (diagnostiquées ou non) ont recours à l'automédication pour soigner leur manque de confiance en eux et surmonter leurs déficits sociaux, avec tous les risques que cela entraîne. Il existe aussi un courant préconisant l'homéopathie.
Accompagnement scolaire et monde du travail
Un accompagnement personnalisé peut se révéler nécessaire dans des situations telles que l'entrée au collège et au lycée, le suivi du cursus universitaire et la recherche d'emploi : 70 % des parents d'Asperger auditionnés par la National Autistic Society au Royaume-Uni estiment que leur enfant ne peut être indépendant sans un soutien personnalisé. Le décrochage scolaire est très généralement le résultat d'un stress accru ou du harcèlement, plutôt qu'une conséquence d'un manque de capacités intellectuelles. Laurent Mottron conseille d'expliquer systématiquement les problèmes spécifiques rencontrés par les élèves Asperger aux autres élèves en début d'année scolaire, afin d'éviter leur harcèlement. Un accompagnement est conseillé pour permettre une transition graduelle entre le monde scolaire et le monde du travail. Certaines associations aident les personnes atteintes de ce trouble à trouver du travail.
Communauté Asperger
Les personnes adultes atteintes du syndrome discutent beaucoup sur internet et organisent des rencontres (du type « café Asperger ») pour échanger et s'entraider. De nombreuses associations de rencontres existent, comme Asperger-amitié en région parisienne, qui est parrainé par Josef Schovanec. D'après le psychanalyste Hervé Bentata, bien que cette volonté de créer des liens paraisse contradictoire avec les difficultés de communication causées par le syndrome, elle s'explique par la forte utilisation d'internet et des réseaux sociaux en amont, permettant d'éviter les interactions en face-à-face. La radio associative idFM Radio Enghien, située dans le Val d'Oise, consacre une émission intitulée « Asperger Café » à ce syndrome chaque 4 dimanche du mois, de 14 h à 15 h 30, en réunissant plusieurs invités interviewés présentant le syndrome, ainsi que des personnalités s'en occupant.
Prise en charge institutionnelle par pays
Il y a une grande variété dans la reconnaissance du syndrome et les prises en charge selon les pays du monde. En fonction du pays d'origine de la personne et de son ethnicité, le diagnostic et la méthode de prise en charge peuvent être complètement différents. L'acceptation sociale et culturelle se révèle très variable également. Le syndrome d'Asperger est généralement bien reconnu et pris en charge dans les pays occidentaux, et notamment les pays scandinaves : le Canada, la Suisse, les États-Unis, la Belgique, l'Irlande, l'Allemagne et le Danemark, entre autres, comptent des recruteurs spécialisés chargés de trouver des personnes Asperger pour certains emplois dans lesquels elles sont plus performantes que les personnes neurotypiques. En Chine, l'autisme n'est ni reconnu ni pris en charge, toute « anormalité » étant réprimée chez les enfants dans le système d'éducation chinois. En Inde en revanche, le diagnostic existe (2015), prenant en compte le profil clinique et la comorbidité. Ce pays dispose aussi de recruteurs spécialisés pour employer des Asperger dans l'informatique. C'est également le cas au Japon, où les parents disposent de conseils ciblés pour élever les enfants atteints du syndrome.
Belgique
En Belgique, de nombreuses associations de parents d'enfants Asperger et autistes existent et un centre de diagnostic — le SUSA — a été créé. L’enseignement officiel, tel qu’il est organisé en Belgique francophone, n'offre pas d'encadrement ni de soutien scolaire pour les enfants. Les parents estiment que le diagnostic est insuffisant et que la non-reconnaissance du SA comme handicap entraîne de nombreuses difficultés. Malgré tout, la prise en charge serait meilleure qu'en France. Il n'existe aucune étude épidémiologique fiable pour estimer combien de personnes pourraient être touchées. Le SA est fortement médiatisé en Belgique depuis 2013 (grâce notamment aux séries télévisées), ce qui a provoqué (d'après Peter Vermeulen) un phénomène de sur-consultations.
Canada
Jusqu'en 1995, toutes les personnes autistes étaient dirigées vers des institutions peu adaptées. Le syndrome d'Asperger est désormais bien connu du grand public au Canada, y compris au Québec. Des efforts ont porté sur l'intégration des autistes dans le milieu scolaire, dans un cadre « le plus normal possible ». Des diagnostics abusifs sont suspectés. Laurent Mottron écrit qu'« une épidémie de syndrome d'Asperger liée à la capacité du diagnostic de TED de générer des services, et à sa notoriété médiatique, s'est donc répandue au Québec ces dernières années (2004) ». D'après lui, cette hausse du nombre de diagnostics a conduit à réviser le dossier de nombreuses personnes, atteintes du syndrome, bénéficiant de prestations sociales. Les aides sociales aux personnes diagnostiquées ont depuis été supprimées, ou largement diminuées, au motif que les personnes Asperger ne sont pas « suffisamment handicapées ». Les entreprises canadiennes bénéficient d'une diffusion d'informations large concernant les avantages à employer une personne autiste.
États-Unis
Le syndrome est très bien connu aux États-Unis, où il est également très médiatique, entre autres grâce à un épisode de South Park qui en parle, et à la mode qui consiste à voir « a touch of Asperger's » chez de nombreuses personnes ayant réussi (dans les sciences et l'informatique en particulier). Dans les colonnes du Washington Post, l'investisseur Peter Thiel estime que cette « touche de syndrome d'Asperger » est la condition nécessaire à la réussite dans ces domaines. Pour la pédiatre neurologue Martha Denckla, « les seuls Américains qui, dans le futur, ne seront pas considérés comme ayant une touche de syndrome d'Asperger seront les politiciens et les lobbyistes ». Cela explique de nombreux sur-diagnostics au détriment d'autres troubles affectant les relations sociales. En Californie, dans la Silicon Valley en particulier, les personnes atteintes du syndrome d'Asperger sont considérées comme un atout sur le marché de l'emploi en informatique. « Aspiritech », une ONG sans but lucratif, basée à Highland Park, place des Asperger comme testeurs de logiciels dans des entreprises d'informatique. Malgré tout, comme dans les autres pays qui reconnaissent ce diagnostic, les porteurs du syndrome sont globalement sous-employés aux États-Unis.
France
Selon Mottron et des témoignages d'Asperger, la France a un « retard considérable » dans la reconnaissance du syndrome, notamment pour l'accès aux thérapies comportementales, avec de lourdes conséquences pour les patients et la recherche. Jusqu'aux années 1970, selon Mottron, toutes les formes d'autisme détectées pendant l'enfance étaient qualifiées de « psychoses infantiles », mais J. Hochmann note que certains psychanalystes, tel Roger Misès préféraient l'expression « dysharmonie évolutive » pour signifier les chances d'évolution. Jusqu'à la fin du XX siècle, les enfants diagnostiqués étaient dirigés vers la prise en charge psychanalytique et traités, selon le psycho-pédagogue Jean-Pierre Juhel, comme des malades mentaux. La France reste imprégnée de cette approche. Des faux diagnostics ont conduit à des confusions avec la schizophrénie.
Un autre problème réside dans le refus d'utiliser les classifications internationales. Le syndrome peut être ignoré par des professionnels réticents à annoncer le diagnostic à cause d'orientations théoriques personnelles. Le syndrome d'Asperger n'a été individualisé dans la CFTMEA qu'en 2000. Des termes du type « dysharmonie » et « trouble complexe et multiple du développement (MCDD pour Multiple-complex Developpemental Disorder) » sont souvent utilisés en France pour décrire les troubles autistiques. Ces termes ne figurent pas dans la nomenclature internationale CIM-10 et ne devraient plus être utilisés, selon les recommandations. Les Centre Ressources Autisme sont désormais habilités à identifier le SA et aider l'accompagnement des personnes concernées. Selon l'association Asperger aide, il y aurait entre 100 000 et 400 000 autistes Asperger en France, pour la plupart non-diagnostiqués, en particulier les adultes. En l'absence de prise en charge adaptée, seuls 1 % d'entre eux trouvent un travail fixe. Le Pr Marion Leboyer fait état d'une explosion des demandes de diagnostic du SA, sans que les financements ne permettent d'y répondre convenablement (2016).
Israël
La prise en charge est réputée excellente en Israël. L'association Effie se charge d'informer à ce sujet. Différentes initiatives visent à faciliter l'intégration scolaire, l'obtention d'un diplôme et celle d'un emploi. Un collège-synagogue existe depuis 2009 pour accueillir et éduquer gratuitement toute personne âgée de 18 à 26 ans et atteinte de ce trouble.
Irlande et Royaume-Uni
Le syndrome est très bien connu au Royaume-Uni et diverses initiatives ont visé à favoriser l'intégration des personnes Asperger. Une expérience de service d'accès à l'emploi a permis à 70 % des adultes qui en ont bénéficié de trouver un poste, ce qui constitue « un taux remarquable ». Néanmoins, avec les changements intervenus dans le DSM-5, la loi sur l'égalité de 2010 (Equality Act 2010) est potentiellement discriminatoire et n'assure plus forcément d'égalité de traitement pour les personnes souffrant du syndrome. En Irlande, l'association Aspire (Asperger Syndrome Association of Ireland Ltd.), créée par des parents, est chargée de l'information sur le syndrome depuis 1995.
Suisse
En Suisse, le syndrome d'Asperger reste assez peu connu. Cependant, des progrès sensibles sont remarqués pour ce qui concerne le diagnostic et la prise en charge des enfants, ainsi que l'information sur le syndrome. Le taux de non-intégration des Asperger pour l'emploi est estimé à environ 90 %, avec de nombreux cas répertoriés de faux diagnostics et de prises en charge inadaptées. Diverses initiatives visent à intégrer des personnes atteintes sur le marché de l'emploi dans l'informatique, comme celles d'Asperger Informatik à Zurich et Specialisterne Schweiz à Berne, qui proposent un environnement de travail adapté (réduction des bruits, non-utilisation du téléphone, etc). Les personnes diagnostiquées et sans emploi ont droit à une rente d'invalidité.
Société
Depuis les années 1990, une partie du débat autour du syndrome d'Asperger s'est déplacée du terrain médical vers le terrain sociétal. Au fil des découvertes, la façon de considérer le syndrome a évolué. Longtemps assimilé à tort à une maladie mentale, il est de nos jours généralement reconnu comme étant un handicap, et de plus en plus perçu comme une « différence ».
Les personnes diagnostiquées Asperger peuvent se désigner elles-mêmes comme étant des aspies (un mot employé pour la première fois par Liane Holliday Willey en 1999). Rudy Simone a inventé le mot-valise « aspergirl » (girl : fille) pour désigner les femmes atteintes du syndrome, en 2010. Le terme de « neurotypique » (abrégé NT) est employé pour décrire les personnes dont le développement et l'état neurologique sont typiques. Internet permet aux personnes atteintes du syndrome de communiquer et de célébrer leur diversité d'une manière auparavant impossible en raison de l'éloignement géographique. Une communauté autistique s'est formée. Des sites web tel que Wrong Planet ont rendu les rencontres entre les personnes affectées du même syndrome plus faciles. De nombreuses personnes, diagnostiquées Asperger ou parentes de personnes diagnostiquées, ont fait part des difficultés qu'elles rencontrent au quotidien pour vivre avec le syndrome d'Asperger ou l'autisme de haut niveau : Temple Grandin dans Ma vie d'autiste, Josef Schovanec dans Je suis à l'Est !, Daniel Tammet dans Je suis né un jour bleu, etc.
Débat et militance pour le droit à la neurodiversité
Daniel Tammet souhaite que les individus Asperger soient perçus comme différents plutôt que handicapés.
Le débat autour du droit à la neurodiversité est lancé dans les années 1990 par l'Américaine Judy Singer, dont la fille a été diagnostiquée Asperger à l'âge de sept ans. En étudiant les singularités de sa fille et les siennes, elle considère que l'association entre syndrome d'Asperger, maladie et handicap est erronée. Elle a créé les termes de « neurodiversité » et de « neurotypique », et les a diffusés largement dans la presse. Elle considère les autistes Asperger comme socialement inadaptés à une société qui les stigmatise. Certains chercheurs comme Simon Baron-Cohen et des personnes atteintes du syndrome d'Asperger, comme Daniel Tammet, ont aussi posé la question de savoir si le syndrome peut être considéré comme une différence plutôt que comme un handicap qu'il faudrait traiter et guérir. Des associations comme DANDA (« Developmental Adult Neuro-Diversity Association »), créée en 2003 au Royaume-Uni, défendent ce « droit à la neurodiversité ». De nombreuses personnes Asperger s'expriment sur internet en rejetant toute association entre le syndrome et une maladie mentale, estimant que cette condition devrait susciter un sentiment de fierté plutôt que de honte. Le soutien à cette revendication permet d'améliorer les conditions de vie des personnes Asperger. Elle forme la base des mouvements pour les droits de la personne autiste et de la fierté autistique. Parmi les sites dédiés, Aspergian Pride (« Fierté [d'être] Asperger ») milite contre les représentations négatives de l'autisme dans les médias et célèbre les découvertes permises par des autistes Asperger. Aspies For Freedom organise l’Autistic Pride Day (« Journée de la fierté autistique »).
Le débat est avivé par les différentes considérations des personnes impliquées : certains adultes diagnostiqués Asperger revendiquent leur droit de ne pas être soignés et affirment leur fierté vis-à-vis de leur identité neurologique, tandis que les parents d'enfants diagnostiqués sont souvent en recherche d'assistance et d'un remède. Certains chercheurs se sont impliqués dans ce débat en voyant dans le syndrome un fonctionnement cérébral différent, et non un trouble ou un déficit. Ils estiment que le syndrome d'Asperger devrait être supprimé du DSM, tout comme l'a été l'homosexualité. La considération selon laquelle le syndrome d'Asperger est un handicap provient de la fréquente nécessité d'une éducation adaptée, en particulier dans le domaine social. Les manifestations du syndrome étant très diverses, les personnes touchées peuvent le vivre comme une « malédiction » ou au contraire comme un « don ». Parallèlement aux déficits sociaux qui entraînent des problèmes multiples — divorce, solitude, alcoolisme, instabilité émotionnelle, dépression… —, les talents très particuliers et l'originalité de la façon de penser des autistes Asperger ont été soulignés. Une créativité et une intelligence hors normes sont constatées chez certaines personnes. Bien que leurs aptitudes à comprendre les émotions soient limitées, leurs créations artistiques peuvent dégager une forte émotion.
En 2002, Simon Baron-Cohen écrit de ceux qui ont le syndrome que « dans le monde social, il n'y a pas grand avantage à un œil qui remarque des détails précis, mais dans le monde des mathématiques, de l'informatique, du catalogage, de la musique, de la linguistique, de l'ingénierie et de la science, un tel souci du détail peut mener au succès plutôt qu'à l'échec ». Il cite deux raisons pour lesquelles il pourrait encore être utile d'envisager le syndrome comme un handicap : pour assurer un soutien spécial requis par la loi et pour reconnaître les difficultés émotionnelles causées par une empathie réduite. Simon Baron-Cohen ajoute que les gènes responsables du syndrome d'Asperger semblent avoir été exploités pendant toute l'évolution humaine récente, et constituent une contribution remarquable à l'histoire humaine.
Personnalités présentant un syndrome d'Asperger
La chanteuse multi-instrumentiste et compositrice Ladyhawke est atteinte du syndrome d'Asperger.
Une explication à la fascination qu'exerce ce syndrome réside dans le fait qu'un certain nombre de personnalités connues, notamment dans les domaines des arts et des sciences (Albert Einstein, Isaac Newton, Charles Darwin, William Butler Yeats et Thomas Jefferson entre autres), présentent des traits associés au spectre autistique ainsi qu'une intelligence et une créativité hors normes. Les excentricités du pianiste virtuose Glenn Gould ont souvent été reliées au syndrome, avec beaucoup de controverses. Plusieurs psychiatres ont conclu que l'ancien champion du monde d'échecs Bobby Fischer était également atteint. D'après les données à son sujet, le physicien et mathématicien britannique Paul Dirac, l'un des fondateurs de la mécanique quantique, pourrait avoir été Asperger. Ces diagnostics rétrospectifs d'autisme n'ont rien d'officiel et peuvent être contredits.
Parmi les personnalités officiellement diagnostiquées de leur vivant, on compte l'informaticien Bram Cohen (créateur du protocole BitTorrent) ainsi que les pirates informatique Adrian Lamo (responsable de l'arrestation de Chelsea Manning) et Gary McKinnon (accusé d'avoir piraté des ordinateurs de l'armée américaine et de la NASA).
Dans d'autres domaines, le surfeur Clay Marzo, le comédien français Thierry Redler, la chanteuse multi-instrumentiste et compositrice Philippa Brown (connue sous le nom de Ladyhawke), le rappeur britannique Example et le rappeur américain Chief Keef ont reconnu publiquement leur diagnostic. La chanteuse écossaise Susan Boyle (qui s'est faite connaître par sa prestation musicale dans le cadre de l'émission de télévision britannique Britain's Got Talent) a révélé le sien à la presse fin 2013. Satoshi Tajiri, créateur du jeu vidéo Pokémon, collectionnait les insectes étant enfant : son syndrome est en partie à l'origine de la naissance du jeu qui l'a fait connaître. Le chanteur et pianiste Adam Young, plus connu pour son projet musical Owl City et sa chanson Fireflies, pense avoir le syndrome mais ne s'est jamais fait diagnostiquer.
Quelques personnalités ont largement communiqué sur leur singularité. L'écrivain anglais Daniel Tammet, mathématicien et polyglotte doté d'une mémoire exceptionnelle liée à sa synesthésie, a été diagnostiqué par Simon Baron-Cohen, et a écrit plusieurs ouvrages pour expliquer sa façon de raisonner et de percevoir le monde. Josef Schovanec, polyglotte titulaire d'un doctorat en philosophie et écrivain né en 1981, milite pour la dignité des personnes atteintes de troubles du spectre autistique. Dans son autobiographie, il explique avoir échappé de peu à l'internement, faute de diagnostic correct. Selon un rapport du Pentagone rédigé en 2008 et rendu public début 2015, le président russe Vladimir Poutine en serait atteint. Toutefois, les spécialistes de l'autisme considèrent qu'il est impossible d'établir un tel diagnostic à partir de la seule étude d'enregistrements vidéo. Un journaliste néerlandais a supposé que le roi Philippe de Belgique serait Asperger, constatant qu'il garde la liste des livres qu'il a lus et n'est pas à l'aise en public. Ce diagnostic basé sur des « on-dit » est qualifié d'« insultant » par le psychologue Jérôme Vermeulen.
Dans la culture populaire
L'acteur Jim Parsons, qui joue Sheldon Cooper, personnage caricatural d'un porteur du syndrome d'Asperger.
Le syndrome d'Asperger commence à être largement représenté dans la culture populaire à partir des années 2000, témoignant de l’intérêt qu'il suscite. Parmi les romans les plus connus, L'Enfant bleu de Henry Bauchau et Le Bizarre Incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon mettent en scène un personnage principal vraisemblablement atteint du syndrome. Dans Millenium de Stieg Larsson, le lecteur apprend que l'héroïne Lisbeth Salander souffre probablement d'une forme du syndrome d'Asperger. Le Tailleur de pierre de Camilla Läckberg présente dans le troisième tome un personnage atteint, Morgan, développeur informaticien qui a appris à reconnaître les émotions grâce à des dessins de sa mère. Dans Courir avec des ciseaux d'Augusten Burroughs, le frère du jeune héros est atteint du syndrome d'Asperger et se révèle extrêmement doué en mécanique. Le Monde de Marcelo, de Francisco X. Stork, raconte la vie d'un adolescent souffrant du syndrome et développant un grand intérêt pour la religion.
Le cinéma en offre aussi de fréquentes représentations, notamment dans Crazy in Love de Petter Næss, Adam de Max Mayer, Mary et Max d'Adam Elliot et plus récemment Le Monde de Nathan de Morgan Matthews (en). De même, de nombreux personnages de séries télévisées ont un syndrome d'Asperger (ou présentent des similarités de symptômes), comme l'agent spécial du FBI Will Graham dans la série Hannibal en 2013, Sherlock Holmes dans la série Sherlock en 2010, Jesse Banks dans la série The Code, Max Breverman dans la série Parenthood, ou encore le D Sheldon Cooper dans la série The Big Bang Theory. En jeu vidéo, il est suggéré que River, personnage féminin du jeu To the Moon, soit atteinte de ce syndrome.