L'imprudente, Elizabeth Jane Gardner, 1884.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, la noyade est une insuffisance respiratoire résultant de la submersion ou de l'immersion en milieu liquide. Une chute dans l'eau sans conséquence respiratoire n'est donc pas considérée comme une noyade. Cette définition englobe tous les cas de noyade, mortels ou non .
Selon l'Académie française, la noyade est l'action de se noyer, c'est à dire de mourir d'asphyxie par immersion.
Mécanisme
La noyade n'entraine pas nécessairement la pénétration de grande quantité d'eau dans les poumons. La pénétration d'eau, même en infime quantité, dans les voies respiratoires, provoque une apnée réflexe : l'épiglotte se ferme par spasme laryngé pour protéger les voies respiratoires, empêchant de respirer même lorsque la tête se retrouve hors de l'eau. Par conséquent, l'oxygène disponible dans l'organisme diminue : on parle d'hypoxie. Si l'hypoxie cérébrale se prolonge, le spasme se lève, permettant l'entrée de l'eau dans les voies respiratoires.
Au niveau cardiaque, le cœur s'accélère dans un premier temps puis ralentit et s'arrête (asystolie) en quelques minutes. Ce délai peut très sensiblement s'allonger en cas de noyade en eaux froides.
Le fait que la noyade se fasse en eaux douces ou en eaux salées ne semble pas changer fondamentalement les données. Dans les deux cas, il y a destruction des alvéoles pulmonaires avec extravasation de sang avec œdème pulmonaire. Il existe également un lavage du surfactant pulmonaire.
Les séquelles persistant après la noyade de la victime sont fonction de l'importance de l'hypoxie et de sa durée.
Quatre stades de la noyade sont généralement distingués : l'aquastress, la petite hypoxie, la grande hypoxie et la noyade anoxique.
La noyade ne doit cependant pas être réduite à une forme d'asphyxie. En mer, le premier danger est l'hypothermie : dans une eau à 10°, la mort survient au bout d'une à deux heures, indépendamment de la quantité d'eau inhalée. Elle peut être aussi un avantage, procurant une certaine protection contre l'hypoxie tissulaire permettant une récupération malgré une prise en charge un peu plus tardive.
Les différentes étapes de la noyade
Lors d'une noyade la victime passe souvent par 4 phases.
La 1 phase appelée aquastress : la victime panique, a des gestes désordonnés, et fait ce qu'on appelle « le bouchon » : s'enfoncer dans l'eau puis remonter successivement, la tête en arrière, en battant l'eau avec les bras, incapable d'appeler à l'aide. Cette phase de la noyade, appelée réaction instinctive à la noyade, passe souvent inaperçue de ceux qui en sont pourtant témoins : la victime ne paraît pas se noyer, mais jouer dans l'eau. De nombreuses personnes se noient ainsi à quelques mètres d'autres nageurs qui ne remarquent rien.
La 2 phase, appelée petite hypoxie : la victime commence à être épuisée, elle est toujours à la surface de l'eau, toujours consciente mais elle a déjà inhalé ou bu plusieurs fois de l'eau.
La 3 phase, appelée grande hypoxie : la victime ne se maintient plus à la surface, elle est complètement épuisée. Elle a déjà inhalé beaucoup d'eau et elle est de moins en moins consciente.
La 4 phase, appelée anoxie : la noyade dure depuis plusieurs minutes. La victime n'est plus consciente, ne respire plus, et ne montre plus de signe d'activité cardiaque.
Les victimes ne passent pas forcément par toutes ces étapes, dans des cas extrêmes d'hydrocution, d'arrêt cardiaque ou autre, l'inconscience, l'absence de respiration et de circulation sont immédiates. Ces cas peuvent provoquer un arrêt cardio-respiratoire suivi d'une mort par noyade en 4 à 5 minutes, appelée submersion-inhibition, « noyade syncopale » ou « fausse noyade » (par opposition à la « noyade vraie » par asphyxie). Le phénomène réflexe d'hydrocution s'accompagne d'une fermeture des sphincters, ce qui fait que peu d'eau entre dans les voies aériennes supérieures. Ainsi, la blancheur cireuse des noyés par submersion-inhibition (appelés « noyés blancs ») s'oppose à la cyanose marquée sur le visage (avec les conjonctives hyperhémiées) et le corps des noyés par submersion-asphyxie (appelés « noyés bleus »).
Statistiques
Il s'agit de la troisième cause de décès accidentel (après les accidents de la circulation et les chutes) avec 376 000 morts par noyade en 2002 de par le monde. Les noyades non fatales sont quatre fois plus fréquentes.
Ce sont les chutes accidentelles à l'eau (piscines privées, etc.), la surestimation de ses capacités (en mer souvent), la sous-estimation des risques sur le lieu de baignade, suite d'un accident syncopal, d'un exercice d'apnée, etc.
Les statistiques 2009 menée en France concernent les situations ayant fait l'objet d'une intervention des secours. On a dénombré :
934 noyades accidentelles, dont 284 décès (30 %) ;
127 noyades intentionnelles (suicides, tentatives de suicides, agressions) dont 83 décès (65 %) ;
100 noyades d'origine inconnue, dont 62 décès (62 %).
Dans le tableau suivant, les pourcentage sont toujours indiqués par rapport au nombre total (934 noyades, 284 décès). La mortalité est le rapport entre le nombre de décès et le nombre de noyades.
Répartition des cas de noyade accidentelle selon les lieux
Lieu |
Cas de noyade (avec ou sans décès) |
Cas de décès |
Mortalité |
mer, total |
519 (56 %) |
105 (37 %) |
20 % |
mer dans la bande des 300 m |
489 (52 %) |
11 (4 %) |
2 % |
mer au delà de la bande des 300 m |
30 (3 %) |
94 (33 %) |
37 % |
piscine, total |
178 (19 %) |
35 (12 %) |
20 % |
piscine privée familiale |
104 (11 %) |
26 (9 %) |
25 % |
piscine privée à usage collectif |
32 (3 %) |
6 (2 %) |
19 % |
piscine payante (publique ou privée) |
42 (4 %) |
3 (1 %) |
7 % |
plan d'eau (lac, mare, étang) |
108 (12 %) |
69 (24 %) |
** % |
cours d'eau (fleuve, rivière, canal, rigole) |
93 (10 %) |
60 (21 %) |
65 % |
autres (baignoire, bassin, …) |
32 (3 %) |
15 (5 %) |
47 % |
total |
910 (100 %) |
284 (99 %) |
Les lieux surveillés par des personnes formées — bande des 300 m en mer, piscines payantes — ont le taux de décès le plus faible par rapport au nombre de noyades.
Le tableau suivant recense les cas de noyade selon l'âge.
Répartition des cas de noyade accidentelle selon l'âge
Tranche d'âge |
Cas de noyade (avec ou sans décès) |
Cas de décès |
Mortalité |
0-5 ans |
150 (16 %) |
26 (9 %) |
17 % |
6-12 ans |
81 (9 %) |
14 (5 %) |
17 % |
13-19 ans |
136 (15 %) |
36 (13 %) |
26 % |
20-24 ans |
** (7 %) |
17 (6 %) |
27 % |
25-44 ans |
150 (16 %) |
52 (18 %) |
35 % |
45-** ans |
189 (20 %) |
71 (25 %) |
38 % |
65 ans et plus |
144 (15 %) |
** (23 %) |
44 % |
non répertorié |
20 (2 %) |
4 (1 %) |
|
total |
934 (100 %) |
284 (100 %) |
Le taux de survie diminue avec l'âge.
Le cas des enfants de 5 ans et moins est « intéressant » car ce sont des cas qui d'une part portent une forte charge émotionnelle, et d'autre part peuvent être évités par des mesures de surveillance et des barrières physiques efficaces, en particulier pour les piscines de particuliers. Sur les 26 décès recensés :
13 ont eu lieu en piscine privée familiale (50 %) ;
5 sur des plans d'eau (19 %) ;
1 en piscine privée à usage collectif (4 %) ;
7 dans d'autres lieux (27 %).
Prévention du risque
Les noyades en piscines privées concernent essentiellement les jeunes enfants (moins de 6 ans). La surveillance active d'un adulte est un minimum, mais elle s'avère en la matière insuffisante : si elle est efficace durant une activité aquatique — l'adulte est là à proximité et a conscience que l'enfant est dans l'eau ou proche de l'eau —, en revanche, l'enfant jouant dans le jardin ou la maison peut échapper à la surveillance des adultes et se glisser dans la piscine. Il n'y a pas toujours de chute provoquant de bruit caractéristique (plouf), ce qui explique le nombre important d'accident.
En France, la loi n°2003-9 du 3 janvier 2003 relative à la sécurité des piscines a modifié le Code de la construction et de l'habitation (Livre I, titre II, chap. viii, art. L128-1 et suiv., ainsi que Livre I, titre V, chap. ii, art. L152-12). Elle impose la mise en place d'un dispositif de sécurité normalisé :
barrière physique : barrière, abri ou couverture empêchant l'accès à l'eau ;
alarme sonore lors de l'approche (alarme périmétrique) ou de la chute dans l'eau (alarme d'immersion).
Ne pas se surestimer, prévenir un responsable de la sécurité du lieu de baignade lors d'apnées ou bien pour les personnes sujettes à crises de spasmophilie ou d'épilepsie. Nager dans de bonnes conditions (pas de coup de pompe, etc.) ne pas jouer avec les jeunes enfants dans une eau trop profonde. La présence d'une équipe de sauveteurs sur les lieux de baignades est également un facteur important de sécurité.
Sauvetage
Face à une personne en danger dans l'eau
Le sauveteur d'une personne en proie à la panique risque de se faire agripper et entraîner sous l'eau. Quand c'est possible, il vaut mieux tendre une perche, lancer une corde ou une bouée que de s'exposer soi-même.
Face à un noyé hors de l'eau
L'appel des secours au plus tôt est impératif (en France : sapeur-pompiers, SAMU, secours en mer). Voir aussi le personnel qualifié en mer, en piscine ou sur des plans d'eau surveillés (BNSSA, BEESAN).
Les principes de la prise en charge sont les mêmes que pour l'évaluation d'une personne inconsciente : position allongée sur le dos, évaluation rapide de l'état de conscience, de la respiration et de la présence d'un pouls.
Si victime inconsciente, respire, avec un pouls : mise en position latérale de sécurité, puis prises des constantes (fréquences ventilatoire et circulatoire, voire la tension artérielle), puis bilan ventilatoire complet et bilan circulatoire complet.
Si victime inconsciente ne respire pas, mais présente un pouls : 10 insufflations avec ou sans matériel (chaque seconde compte), revérification du pouls, revérification de la ventilation, recommencer au besoin ce cycle insufflations-vérification. Administrer de l'oxygène dès que possible.
Si victime inconsciente ne respire pas, et ne présente pas non plus de pouls : procédure de l'arrêt cardio-repiratoire (ACR).
En cas d'arrêt cardio-circulatoire, une réanimation cardio-pulmonaire doit être menée. Le massage cardiaque externe doit toujours être accompagné d'une ventilation artificielle par bouche-à-bouche ou par bouche-à-nez. Les vomissements sont fréquents avec un risque d'inhalation du contenu gastrique.
La prise en charge médicalisée peut recourir à une oxygénothérapie au masque ou à une intubation trachéale avec mise sous ventilation mécanique.
La noyade comme moyen d'exécution capitale
Scène de noyade, extraite de la Chronique de Nuremberg
La noyade fut utilisée comme moyen rapide et économique pour tuer les condamnés. Le cas le plus fréquemment cité est celui des noyades de Nantes (1793-1794), ordonnées par Jean-Baptiste Carrier, pour vider les prisons des Vendéens qui s'y trouvaient. Ceux-ci étaient conduits au bord de la Loire, et, après avoir été dépouillés de leurs vêtements, étaient embarqués dans des barges que les bourreaux remorquaient avec des barques jusqu'au centre du fleuve. Là, les barges étaient coulées avec les condamnés, et les bourreaux achevaient à coup de sabre ceux qui cherchaient à nager. Carrier avait baptisé la Loire la « baignoire républicaine ».
La noyade était également un mode d'exécution classique à Venise, où elle se pratiquait le plus souvent de nuit. Les condamnés, au préalable enfermés à l’intérieur d'un sac lesté, étaient transférés des prisons jusqu'à une embarcation qui allait les jeter à l'eau dans le Rio degli Orfani, canal où la pêche était strictement interdite.
Une étude cite la « noyade dans un tonneau » aux Pays-Bas du XVIauXVIII siècles. On raconte que Georges Plantagenêt aurait peut-être été exécuté de cette manière à Londres en 1478.
La noyade a été appliquée à Genève aux XVIetXVII siècles, voir par exemple le cas de Bartholomé Tecia condamné pour homosexualité.
Ce supplice se pratiquait aussi à Constantinople sous la période ottomane pendant laquelle notamment les femmes adultères du harem étaient jetées à l'eau dans le Bosphore une pierre autour du cou.
La noyade fut aussi naturellement le moyen utilisé par les pirates pour se débarrasser des survivants des navires arraisonnés, lorsqu'ils ne présentaient aucune valeur d'otage. Soit ils étaient précipités à la mer, lorsque le navire était conservé par les pirates, soit ils étaient noyés avec leur bâtiment.
Ajoutons enfin la brasse sicilienne, mode d'exécution extrajudiciaire de la mafia et qui consiste à jeter à la mer les condamnés les pieds prisonniers dans un seau de ciment à prise rapide.