Empire ottoman دولتِ عَليه عُثمانيه Devlet-i Âliye-i Osmâniyye (« L'empire sublime des Osmanli ») 1299 – 1923 623 ans 10 mois et 26 jours Drapeau de l'Empire ottoman (1793) Armoiries de l'Empire ottoman Devise : دولت ابد مدت Devlet-i Ebed-müddet (« L'empire éternel ») Empire ottoman en 1609 Informations générales Statut Sultanat puis califat (à partir de 1876, monarchie constitutionnelle). Capitale Söğüt (1299-1326) Bursa (1326-1365) Edirne (1365-1453) Constantinople (1453-1922) Langue Turc ottoman (officielle) Arabe (administrations et gouvernements locaux, religieux, littérature et éducation) Persan (littérature, diplomatie et éducation) Religion Islam sunnite (officielle), soufisme, chi'isme, christianismes, yézidisme et judaïsme (minoritaires) Monnaie Akçe, kuruş, livre Démographie Population ~ 30-35 000 000 hab. (1600) ~ 35 350 000 hab. (1856) ~ 20 884 000 hab. (1906) ~ 18 520 000 hab. (1914) ~ 14 629 000 hab. (1918) Superficie Superficie ~ 4 800 km² (1299) ~ 5 200 000 km² (XVI siècle) ~ 3 400 000 km² (1900) ~ 783 562 km² (1923) Histoire et événements 29 juillet 1299 Conquête de Bilecik 17 novembre 1922 Partition 24 juillet 1923 Création de la Turquie 3 mars 1924 Abolition du califat Entités précédentes : Empire seldjoukide Empire byzantin Despotat de Serbie Sultanat Mamelouk du Caire Hafsides Zianides Karamanides Ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Rhodes Royaume croate Second empire bulgare Empire de Trébizonde Aq Qoyunlu Sultanat de Sennar Royaume de Bosnie Dobrogée valaque Bessarabie moldave Principauté de Théodoros Despotat de Morée Duché de Naxos Ligue de Lezha Entités suivantes : Empire russe (en Crimée, Caucase, Boudjak) Grèce Khédivat puis royaume d'Égypte Soudan anglo-égyptien Principauté de Serbie Émirat d'Abd el Kader Algérie française Protectorat français de Tunisie Principauté de Bulgarie Royaume de Roumanie (en Dobrogée) Chypre britannique Bosnie-Herzégovine austro-hongroise Libye italienne et Dodécanèse italien Gouvernement provisoire d'Albanie Mandat français en Syrie, Liban et Hatay Mandat britannique en Palestine Mandat britannique en Irak, Koweit et Hasa Royaume du Yémen Royaume du Hedjaz République turque
Les débuts
Fondation
L'Empire ottoman est fondé par une famille issue des Kayı, l'une des vingt-quatre tribus turciques oghouzes, qui avaient conquis l'Anatolie au ** siècle, au détriment de l'Empire byzantin. Pendant que le sultanat turc des Seldjoukides se décompose, cette tribu monte en puissance pendant la phase des beylicats. En 1299, Osman Ier conquiert la ville byzantine de Mocadène, aujourd'hui Bilecik en Turquie. Cette date marque le commencement de l'Empire ottoman et le début de la constitution de la première armée ottomane. Jusqu'à sa mort en 1326, Osman I conquiert plusieurs autres villes et places fortes byzantines, ainsi que certaines principautés turques voisines.
Expansion vers l'Europe
Mehmed II.
Chute de Constantinople (1453).
Ses successeurs continuent sa politique d'expansion. L'Empire ottoman conquiert Gallipoli, son premier territoire européen, en 1347, puis s'étend à travers les Balkans. En **, la victoire décisive à la bataille du champ des Merles en Serbie, dans l'actuel Kosovo, marque la fin de l'e**stence des royaumes serbes. La Serbie est définitivement annexée par les Ottomans après la chute de Smederevo, en 1459. En 1453, commandées par le sultan Mehmet II, les armées ottomanes prennent Constantinople et mettent fin à l'Empire byzantin, établissant ainsi la domination de l'empire sur la partie à majorité chrétienne de la Méditerranée orientale. Plusieurs croisades européennes sont écrasées à Nicopolis et Varna ou encore à Alger.
Apogée
Un nouvel empire
Les Ottomans appellent Roumis les populations chrétiennes, en référence à leur origine issue de l'Empire romain d'orient. L'Empire établit ensuite progressivement sa souveraineté sur toute la partie à majorité musulmane du monde méditerranéen. Les sultans ottomans voient leur titulature s'enrichir au XV siècle du vieux titre turc de khan, de celui, iranien, de padishah, puis de celui de calife au XVI siècle, c'est-à-dire successeur de Mahomet et chef de l’oumma, la communauté musulmane. Le contrôle qu'ils exercent sur leurs terres est variable ; les États ou « régences » lointaines de Tunis et d'Alger ou le khanat de Crimée jouissent d'une large autonomie. Ainsi, son emprise est quasiment nulle sur la Kabylie. Certains États à majorité chrétienne, comme les principautés roumaines de Valachie, Moldavie et, pour un temps, la Transylvanie, payent au sultan un tribut aux XV siècle-XVI siècle, mais ne deviennent pas pour autant provinces ottomanes.
L’Empire ottoman est organisé selon le système des millets. De la Bosnie au fin fond de l’Anatolie en passant par les Pomaques, de nombreux chrétiens pauvres (Slaves, Grecs, Arméniens, etc.) ainsi que des Juifs (dönme) et des Roms (çingene) se convertissent à l’islam pour ne plus payer le haraç (double imposition sur les non-musulmans) et ne plus subir la παιδομάζωμα / pédomazoma, ou devchirmé (enlèvement des enfants) pour les Yeni-çeri (janissaires : « nouvelles troupes », instituées au **V siècle par le sultan Orhan). Devenus avdétis (convertis), ils n’en étaient, pour la plupart, que plus fidèles sujets de la Sublime Porte, afin de bénéficier de la confiance due aux mumīnīn (croyants). C’est pourquoi les Turcs actuels de Turquie sont, en majorité, de type caucasien, alors que les peuples turcs d’Asie centrale ont un phénotype asiatique. Et c’est pourquoi au **X siècle, la majorité des membres des millets Rum et Arménien était plutôt composée de propriétaires et de commerçants aisés que de pauvres manœuvres, car seuls les gens aisés pouvaient aisément payer le haraç.
Le nouvel empire assura sa cohésion en ouvrant largement l’ascenseur social ottoman : tout janissaire sorti du rang pouvait, si ses capacités le lui permettaient, espérer accéder aux plus hautes fonctions, telles que bey, drogman, capitan pacha, pacha ou vizir, et les exemples foisonnent. Même les aristocrates grecs restés chrétiens pouvaient espérer être nommés hospodars (voïvodes) des principautés chrétiennes tributaires.
L’âge d'or
Selim I lors de sa conquête de l'Égypte.
Pragmatiques et non dogmatiques, les sultans ottomans n’ont pas fait table rase de la civilisation byzantine mais l’ont au contraire adaptée et développée, comme en témoignent la mosquée bleue qui sublime l’architecture de la basilique Sainte-Sophie ou les thermes, que nous appelons bains turcs. L’Empire a su hériter de l’éducation, des sciences, des techniques et des universités byzantines, devenues ottomanes et admirées dans toute l’Europe à la fin du Moyen Âge. Ces universités orientales se tenaient au courant des découvertes occidentales : l’amiral Piri Reis a ainsi pu faire une copie de la carte de l’Amérique de Christophe Colomb, et celle-ci ayant été perdue, la copie de Reis est à ce jour la plus ancienne carte connue du nouveau continent. De grandes forces vives, aussi bien intellectuelles que financières, vinrent renforcer la Sublime Porte. On peut citer les migrations et installations des juifs sépharades, fuyant l’Espagne répressive et l’Inquisition, puis celles des Morisques andalous.
En 1517, Sélim I conquiert l’Égypte et met fin au sultanat mamelouk. Le calife abbasside Al-Mutawakkil III est emmené à Istanbul comme otage, et aurait cédé son titre de Commandeur des croyants (Emir al-mumimin). Si Sélim procède au transfert de certaines reliques de Mahomet à Istanbul, la thèse selon laquelle il aurait voulu recueillir l’héritage de califat est cependant sujette à caution et apparait beaucoup plus tardivement. Moins d’un siècle après avoir mis fin à l’Empire byzantin moribond, les Turcs ottomans prennent la succession de la dynastie arabe des Abbassides.
Soliman le Magnifique.
Au XVI siècle, sous le règne de Soliman le Magnifique, les armées ottomanes parviennent jusqu’à Vienne en 1529 et 1532, dont elles font le siège en vain. Cette avancée marque la limite de l’expansion de l'Empire en Occident (comme Aden en fixera la limite au sud).
Khayr ad-Din Barberousse (Barbarossa).
Bataille de Prévéza (1538)
De 1533 à 1536, l’Empire ajoute l’est de l’Anatolie, l’Azerbaïdjan et le Yémen. Les corsaires turcs installés à Alger prennent Tunis aux Hafsides en son nom en 1534, puis la perdent face aux troupes de Charles Quint. Le pacha turc de Tripoli prend Kairouan en 1557 et Tunis est reconquise, définitivement cette fois, en 1569.
L’Empire crée une flotte militaire, tente de s’imposer en Méditerranée au détriment des cités italiennes et y parvient un moment. La défaite navale de Lépante en 1571, devant les flottes espagnole et vénitienne, met fin à sa suprématie. Réorganisée par Sokollu Mehmed Pacha, la flotte ottomane restera certes ensuite une puissance importante, et les possessions vénitiennes (Chypre et des îles en mer Égée) rejoindront progressivement l'Empire mais une partie toujours plus importante du commerce méditerranéen était sous le contrôle de Venise, de Gênes, du Portugal et de l'Espagne.
L'Empire trouve sa place dans le jeu diplomatique européen où il est un allié traditionnel de la France, dans une alliance de revers contre les Habsbourgs, dès le règne de François I.
Le siège de Vienne (1529)
Une puissance mondiale contestée
La mort de Soliman le Magnifique en 1566 marque la fin de l'âge d'or ottoman, et la superficie de l'Empire au XVI siècle atteint 5 200 000 km² . L'irruption des Portugais dans l'océan Indien détourne vers l'Atlantique une grande partie du commerce des Indes, et les expéditions ottomanes contre Goa et Mascate n'arrivent pas à les en déloger. Cependant, le commerce du Levant reprend à la fin du XVI siècle.
L'Empire ottoman a encore les moyens de grandes expéditions sur mer (conquête de Chypre en 1570 et de la Crète en 1669) et sur terre, contre les Autrichiens et les Russes. Moscou est incendiée en 1571, Vienne, capitale des Habsbourg d'Autriche, assiégée en 1683. L'empire croit avoir encore une vocation mondiale. Sokollu Mehmed Pacha, grand Vizir de Selim II, commence un projet de canal à Suez et entre la Volga et le Don, qui n'aboutira pas.
Dans l'Europe du Sud, une coalition d'États compte alors vaincre l'Empire ottoman sur les mers, puisqu'elle ne le peut sur les terres. À Lépante, envoyé par le roi Philippe II d'Espagne, une flotte coalisée (États pontificaux, République de Venise et Espagne) affronte la grande flotte turque, réputée invincible. En 1571, Lépante voit la destruction de plus de 250 galères turques. Mais c'est une victoire sans lendemain, qui ne touche pas aux bases de la puissance turque. Le Grand Vizir ottoman dira à un ministre vénitien durant des négociations : « En vous prenant Chypre, nous vous avons coupé un bras. En envoyant par le fond notre flotte, vous nous avez coupé la barbe. » En 1573, la flotte ottomane reconstituée pousse les Vénitiens à la paix. Cela permet au sultan de tourner ses ambitions sur l'Afrique du Nord.
Bataille de Lépante (1571).
Les frontières ottomanes ne changent guère entre 1566 et 1683. Les guerres finissent sur des statu quo et les victoires de Soliman le Magnifique apparaissent comme un glorieux passé. Les Séfévides de Perse repoussent les assauts turcs. Dans les régions danubiennes, l'empire doit faire face à la puissance rivale de l'Autriche et à l'insoumission des principautés roumaines sous Michel le Brave (1593-1601). Le Liban se rend temporairement indépendant sous l'émir druze Fakhr-al-Din II (1590-1613).
Sur les champs de bataille, l'armée ottomane, ou plutôt, comme l'appellent les chroniqueurs turcs, « l'armée de l'islam », reste une puissance impressionnante. Des forces nombreuses, ce qui suppose une logistique considérable, des janissaires d'élite, et toujours des légions de soldats armés d'arquebuse ou de fusils. La Longue Guerre contre l'Autriche (1593-1606), a demandé de grandes ressources humaines aux Ottomans. Leur population forte de trente millions d'habitants leur permet de soutenir de vastes efforts de guerre mais le retard économique et technique face à l'Occident commence à se faire sentir.
Le début du déclin
Le temps des troubles
Sous les règnes de Mehmed III (1595-1603) et de son fils Ahmet I (1603-1617), l’empire est en proie à des révoltes et à des soulèvements militaires, notamment celui des spahis à Constantinople au début de l'année 1603. Pour tenter d’assurer leur pouvoir, les sultans ottomans changent fréquemment les vizirs, les conseillers, les chefs militaires et les membres de la haute administration. Il en résulte que les administrateurs s’efforcent de réaliser des fortunes rapides par tous les moyens. Le personnel subalterne, moins surveillé, s’empresse de les imiter. Des peuples soumis, pressurés par les fonctionnaires, se soulèvent contre les Turcs, notamment les Druzes.
Après l’humiliant traité signé avec les Séfévides en 1590, les Ottomans occupent la Géorgie, le Chirvan, le Lorestan, et Tabriz avec une partie de l'Azerbaïdjan. La guerre reprend en 1603 avec la prise de Tabriz par Abbas I le Grand, qui reconquiert en quelques années l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Mésopotamie avec Bagdad sur les Ottomans (1612).
Guerre polono-turque de 1620-1621
En Europe, la paix de Zsitvatorok (Hongrie) conclut la Longue Guerre avec le Saint-Empire romain germanique. Le sultan consent pour la première fois à traiter à égalité avec l'empereur et le tribut annuel est transformé en « présents ». La Porte conserve Kanizsa, Esztergom et Eger, mais abandonne la région de Vac. Sa progression vers l'est est stoppée.
Au début du XVII siècle, l’armée turque est forte de 150 000 à 200 000 hommes. Elle comprend trois éléments : les odjaks, milices soldées par le Trésor (janissaires, spahis, artilleurs, soldats du train, armuriers, gardes des jardins palatins), troupes irrégulières, de moins en moins recrutées et les troupes de province, fournies par les feudataires (les plus nombreuses). Les fiefs (timars et zaïms) attribués à des militaires (sipahi) qui doivent fournir un contingent passent progressivement aux serviteurs du seraï, ce qui les soustrait aux obligations du service. Les troupes de province fournissent de moins en moins de soldats. De 1560 à 1630, les odjaks augmentent d’autant, surtout le corps des janissaires, multiplié par quatre. La pression fiscale augmente et alimente des troubles provinciaux. Les janissaires forment un État dans l’État et sont recrutés de plus en plus parmi les musulmans. Ils obtiennent le droit de se marier et s’installent dans la vie de garnison, spécialement à Constantinople. Les Turcs obtiennent l’autorisation de servir parmi les janissaires, autrefois composés exclusivement d’esclaves chrétiens. Le corps des janissaires devient une garde prétorienne et arbitre les compétitions dynastiques.
Après l'assassinat du sultan Ibrahim I en ** et jusqu'en 1656, avec l’avènement du vizir Mehmet Köprülü, une période se démarque, le Sultanat des femmes. En fait, la plupart des Sultans de cette période ont peu de pouvoir. Le harem impérial, dirigé par la mère du Sultan, dirige en fait le pouvoir politique. La première aurait été Nurbanu, véritable maîtresse de l'Empire dans les années 1560. Le Baylo vénitien Andrea Gritti décrit la « Femme Sultan » Hürrem Sultan (Roxelane) comme une femme au pouvoir extraordinaire et dotée d'une force de caractère rare. Lors de la succession d'Ibrahim I (1**0-1**8), le harem impérial est le théâtre d'un conflit généralisé entre certaines concubines et la mère de Mehmed IV, le successeur d'Ibrahim.
Une petite renaissance
Zone d'influence des Ottomans jusqu'en 1683 (provinces de l'Empire et états vassaux non-différenciés).
Finalement, cette période voit la naissance d'un contre pouvoir, celui des Grands Vizirs, avec la nomination comme Grand Vizir de membres de la famille Köprülü. Entre 1656 et 1703, ils entament une restructuration de l'Empire et de sa grandeur. Mehmed Pacha Köprülü commence par réformer l'armée. Ensuite, son fils, et successeur, supprime le pouvoir des « femmes sultans ». Le vizirat Köprülü a profité de la baisse du pouvoir des sultans pour satisfaire son désir de pouvoir et de gloire. C'est surtout au niveau militaire qu'il réussit à redorer le blason terni des Ottomans. Leur pouvoir est restauré en Transylvanie, la Crète est complètement conquise en 1669, la Podolie est prise aux Polonais en 1676.
Kara Mustapha assiège Vienne en 1683
Cette période de conflit continu est prolongée avec le vizirat de Kara Mustafa (toujours un Köprülü, mais adopté par la famille) qui déclenche une guerre avec les Autrichiens en ne renouvelant pas la Paix de Vasvár conclue en **. Il assiège Vienne en 1683. Finalement, le roi Jean III Sobieski de Pologne bat les Turcs. Le pouvoir des Köprülü est alors presque tombé avec l'assassinat de Kara Mustafa par ses janissaires. L'alliance chrétienne de la Sainte Ligue finit par vaincre les Turcs et à leur imposer le traité de Karlowitz en 1699. Pour la première fois, l'Empire ottoman perd des territoires dont la Hongrie, qu'il avait repris, ainsi que le Banat. Économiquement ruiné, militairement asphy**é par ses ennemis, il s'enfonce dans une période de stagnation.
Seuls deux sultans auront su marquer leur temps par leur propre pouvoir : Murad IV (1612-1**0) qui reprend Erevan en 1635 et Bagdad en 1639, au grand dam des Séfévides, et Mustafa II (1695-1703), qui mène les Ottomans dans la guerre contre les Habsbourgs pour finalement être vaincu à la bataille de la Zenta (11 septembre 1697).
L'empire assiégé
Guerre turco-autrichienne de 1716-1718. Huile sur toile exposée au Musée national hongrois
Le sultan Ahmed III.
Durant cette période de stagnation, une partie des territoires danubiens est cédée à l'Autriche. Des territoires comme l'Algérie ou l'Égypte deviennent de plus en plus indépendants vis-à-vis d'Istanbul. Sur leur frontière nord, vers l'Ukraine actuelle, les Ottomans font reculer l'Empire russe de Pierre le Grand, mais ils subissent une série de défaites cuisantes sous le règne de Catherine II, qui envoie sa flotte en mer Égée et s'empare de la Crimée en 1782.
Cette période se caractérise par une tentative des Sultans et des Vizirs de réformer leur Empire en déliquescence. L'ère des tulipes (Lâle Devri en turc), ainsi nommée en hommage à l'amour que portait le sultan Ahmet III à la plante, semble une sorte de retour de l'Empire ottoman sur le devant des scènes européennes, aussi bien économiques que politiques. Alors qu'une guerre contre l'Autriche vient d'être à nouveau perdue en 1718, et que l'Empire s'est vu humilié au traité de Passarowitz la même année, Ahmet III tente de nouvelles réformes envers le peuple : les taxes sont moins fortes, l'image de l'Empire est redorée, et des entreprises, semblables aux manufactures européennes, sont créées. Il tente aussi de moderniser l'armée avec des conseillers européens.
En 1730, un janissaire d'origine albanaise, Patrona Halil, fomente un complot contre le sultan Ahmet III. Celui-ci n'avait pas suivi les propositions de réformes proposées par Halil. Face à cela, Patrona Halil et d'autres janissaires proclament Mahmud I sultan. Ahmet III aura eu le temps de faire exécuter Halil mais doit quitter le pouvoir après cette insurrection.
Un autre problème s'ajoute en 1731 à la situation déjà mauvaise de l'Empire ottoman, celui du Caucase. Les Russes puis les Perses en réclament la suzeraineté. Les premiers réclamant ces territoires car habités par d'anciens Cosaques et les seconds parce qu'ayant autrefois été sous leur domination. En effet, estimant que la plus grande population cosaque habitait en Russie, il paraît normal pour l'Empire russe de les réunir. Ces Circassiens (autre nom pour les habitants du nord du Caucase), seraient en fait d'anciens cosaques immigrés d'Ukraine. Cette politique de l'ethnicité ne plait pas à la Sublime Porte, qui ne conçoit pas sa politique ainsi. Face à cela, les Russes menacent l'Empire ottoman et finalement, engagent une nouvelle guerre russo-turque qui durera de 1735 à 1739. Les Russes marchent sur la Crimée et les principautés danubiennes (Valachie et Moldavie). Durant cette guerre, le commandant russe Von Münnich écrase les Tatars vassaux des Ottomans puis passe le Dniestr. Il conquiert aussi la Bessarabie. La Russie n'a jamais autant contrôlé de terres autrefois ottomanes.
Profitant de la situation difficile des Ottomans, le nouveau shah de Perse, Nâdir Shâh, s'attaque à la Sublime Porte. Il ménage finalement le sultan en conquérant des villes précieuses ou des provinces importantes (Bagdad ou l'Arménie) puis les échangeant contre celles qui l'intéressent. Nâdir Shâh n'hésite pas à conquérir Bagdad et à la rendre aux Ottomans en échange de l'Arménie et de la Géorgie. En 1735, il signe un traité avec les Russes, qui, parmi d'autres termes, met fin à sa guerre contre les Ottomans.
Mousquets ottomans datant du XVIII siècle (1750-1800).
La puissance des janissaires
Soldats janissaires. Les janissaires, à l'instar de la Garde prétorienne de la Rome antique, vont imposer leur politique aux sultans sur la fin du XVIII siècle.
La puissance de l'empire est de plus en plus de façade. Sa décadence devient évidente au XVIII siècle, sous le règne de Mustafa III. Lorsque son vizir, Ragihb Pasha, meurt en 1763, il décide de régner seul. Médiocre politicien, il ne sait pas non plus s'attacher de bons conseillers ou commandants militaires. Voltaire le compara à un « gros ignorant ». Face à cela, les janissaires arrivent à s'imposer et bloquent toutes les réformes voulues par le sultan. Ce n'est pas la première intervention de ces soldats d'élite dans la politique, puisqu'ils avaient déjà déposé ou tué quatre sultans, Mustafa I, Osman II, Ibrahim I et Mehmed IV, au cours du XVII siècle. Le pouvoir de ce corps de troupe va alors ne faire que grandir. Abdülhamid I, frère de Mustafa, ne peut empêcher l'anne**on de la Crimée tatare par l'Empire russe de Catherine II en 1782. Désormais, la mer Noire n'est plus sous le contrôle total des Ottomans. Dans cette série des règnes destructeurs pour l'Empire, celui de Sélim III, successeur du précédent, s'illustre par l'apogée du pouvoir des janissaires qui, n'acceptant pas ses idéaux réformateurs, se révoltent en 1807 et l'assassinent en 1808.
Le déclin et la chute
Tentative de modernisation
Au **X siècle, l'Empire — surnommé « l'homme malade de l'Europe » par l'empereur russe Nicolas I en 1853, lors d'une conversation avec l'ambassadeur britannique — diminue territorialement, mais entame un processus de modernisation afin de retrouver sa puissance et sa prospérité d'antan. Cette période débute en 1808 avec la charte de l'Union (Sened-i Ittifak) signée entre le sultan et les chefs féodaux et qui confirme le pouvoir de ces derniers face à l'administration centrale. Vient ensuite l’édit de Tanzimat (Tanzimat Fermani) en 1839 où l'administration centrale annonce des mesures législatives dans le but de moderniser l'empire. Durant cette période, des pays européens tels que la France et le Royaume-Uni ont beaucoup influencé l'Empire ottoman. Une autre réforme entreprise à cette époque est l'abolition de l'esclavage en 1847. Cette période de réformes qui est appelée « Tanzimat » se poursuit par la I Constitution monarchique du 23 décembre 1876.
Carte postale de 1**5 saluant la Constitution ottomane du 23 décembre 1876, figurant le sultan Abdul-Hamid, les différentes communautés de l'empire et la Nation ottomane se relevant de ses chaînes
En 1830, la Grèce, soutenue par les puissances occidentales, obtient son indépendance. Le gouverneur de l'Égypte, Méhémet Ali, se comporte comme un souverain indépendant et obtient que son fils lui succède, ce qui constitue un précédent. L'Empire ne fait face à l'expansion de la Russie que parce que le Royaume-Uni et la France le protègent, notamment au cours de la guerre de Crimée. Protection coûteuse : la France s'empare de l'Algérie puis de la Tunisie, le Royaume-Uni de l'Égypte, indépendante de fait depuis le début du **X siècle.
La guerre de Crimée a révélé la faiblesse financière de l'empire : absence de vrai budget, irrégularité des rentrées fiscales, endettement croissant. Les finances et douanes de l'empire passent sous la tutelle de la Banque impériale ottomane, créée en 1863 et dirigée par un consortium franco-anglais.
L'Empire est incapable d'empêcher l'indépendance de plusieurs pays des Balkans, perdant de plus en plus de territoires en Europe. Dès janvier 1876, il est mis en difficulté par une insurrection bosniaque, qui se conjugue avec un vaste soulèvement en Bulgarie et dégénère en conflit militaire entre la Russie et l'Empire ottoman. Battue, la Turquie refuse de signer le protocole élaboré à Londres par les grandes puissances, ce qui inquiète les investisseurs. En un mois, l'emprunt public français de référence perd quatre points, l'italien six points et le russe dix points.
La chute
En 1913, la défaite de la Seconde Guerre balkanique amène les Jeunes-Turcs (Parti Union et Progrès) au pouvoir. Leur volonté de relever l'empire les entraîne dans l'alliance avec l'Empire allemand. En 1914, ils déclarent la guerre à l'Entente, et entreprennent de grandes offensives vers l'Égypte et le Caucase. Ce sont des échecs : l'empire n'a pas les moyens de sa politique, il est ravagé par les épidémies et les famines. Des tensions internes apparaissent alors dans tout l'empire. La Grande révolte arabe a lieu entre 1916 et 1918. La rébellion est menée par Hussein ben Ali, chérif de La Mecque, afin de libérer la péninsule Arabique et de créer un État arabe unifié allant d’Alep à Aden. L'appel à la guerre sainte, lancé par le sultan comme calife de l'islam, a peu d'échos. L'e**stence même de l'Empire est menacée aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur.
En 1915, le noyau du parti organise, sous le commandement du ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, une politique de déportation et de massacre des Arméniens ottomans, politique appelée génocide arménien, faisant entre 800 000 et 1 500 000 morts selon la majorité des historiens, et entre 300 000 et 500 000 victimes selon l'État turc actuel. Celui-ci refuse le terme « génocide » et préfère parler de massacres, en les justifiant parfois par la menace que constituait pour la Turquie une population chrétienne arménienne vivant de part et d'autre de la frontière russo-turque. La culpabilité de Talaat, Enver Pacha et autres dirigeants Jeunes-Turcs, a bien été reconnue par la justice ottomane qui les a condamnés à mort par contumace en juillet 1919, mais ce verdict a été annulé ensuite par la réaction nationale turque. En fait, certains considèrent qu'il s'agit du premier génocide du XX siècle : les deux tiers de la population arménienne de l'Empire ottoman furent exterminés. C'est également dans ce contexte troublé que, entre 1914 et 1920, a lieu le génocide assyrien causant la mort de 500 000 à 750 000 personnes ce qui représente environ 70 % de la population assyrienne de l'époque.. Le génocide grec pontique fait lui entre 350 000 et 360 000 morts entre 1916 et 1923.
La Première Guerre mondiale achève son démembrement car l'Empire ottoman, allié aux Austro-Hongrois et aux Allemands, se trouve dans le camp des vaincus. À la suite du traité de Sèvres, ses territoires arabes (Syrie, Palestine, Liban, Irak, Arabie) sont placés par décision de la Société des Nations sous mandats britannique et français (voir accord Sykes-Picot). La côte égéenne est occupée par les Grecs et les Italiens.
Vers la république
L'effondrement de l'empire éveille le sentiment national turc. Les anciens combattants se rassemblent autour du maréchal Mustafa Kemal Atatürk, qui chasse les Européens d'Anatolie et s'impose comme chef du gouvernement, reléguant le sultan à un rôle honorifique. En 1923, il abolit l'Empire ottoman et fonde sur le territoire restant, l'Anatolie, la grande partie ouest du haut-plateau arménien et la Thrace orientale, la Turquie moderne ou la République de Turquie, État successeur de l'Empire ottoman. En déposant Abdülmecid II, 101 et officiellement dernier calife du monde musulman sunnite en 1924, il met fin au califat, mais ce faisant, ouvre le champ des prétentions au califat à quiconque, d'où de nombreuses auto-proclamations ultérieures, comme celle de l'Irakien Abou Bakr al-Baghdadi.
Blason de l'Empire ottoman.